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Au Colisée, les victimes de guerres implorent la paix du Christ

Le chemin de Croix du Vendredi Saint s’est déroulé au Colisée ce 7 avril au soir en présence d’environ 20 000 fidèles. Le Saint-Père étant absent en raison du froid, c’est le cardinal De Donatis qui a guidé la cérémonie. Les méditations des quatorze stations étaient cette année des témoignages venus de pays en guerre, entendus par le Pape lors de ses voyages apostoliques. Des voix qui ont formé un écho de la Passion du Christ, deux mille ans plus tard, ponctuées de prières pour la paix. 
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican,Vatican News

La «troisième guerre mondiale par morceaux», si souvent évoquée par François, est un prolongement de la Passion du Christ, comme l’ont montré les témoignages qui ont rythmé ce Chemin de Croix autour du thème “Paroles de paix dans un monde en guerre“. 

Exceptionnellement, le Souverain pontife n’a pas présidé cette année le Chemin de Croix au Colisée. Comme l’a expliqué un communiqué du Bureau de presse du Saint-Siège dans l’après-midi, cette absence était due «au froid intense» qui persiste à Rome en ces jours de printemps. François a également souffert d’une bronchite qui l’a contraint à être hospitalisé trois jours la semaine dernière. Il a donc suivi cette Via Crucis depuis la maison Sainte-Marthe, sa résidence au Vatican, laissant le cardinal Angelo de Donatis, son vicaire pour le diocèse de Rome, guider la cérémonie. 

Voix d’Ukraine et de Russie Dans la pénombre qui recouvrait la ville éternelle, et tandis que chaque fidèle tenait un petit flambeau, le Chemin de Croix s’est ouvert par une prière. «Nous prions en implorant cette paix que tu nous as confiée et que nous n’arrivons pas à préserver. Jésus, de la Croix, embrasse le monde entier: pardonne nos erreurs, guéris nos cœurs, donne-nous ta paix», a notamment déclaré le cardinal De Donatis. Les personnes portant la croix de bois étaient des victimes de la violence des guerres, représentant celles que le Pape a rencontrées, et non les auteurs des méditations. Au fil des stations furent lus des témoignages venus de Terre Sainte, d’Afrique australe et occidentale, des Balkans, d’Amérique latine, d’Asie, ou encore d’Ukraine et de Russie… Récits durs, précis et anonymes, dont on ne savait pas précisément de quel pays ils provenaient, sauf pour l’Europe, avec deux peuples en guerre rassemblés pour une même méditation, comme l’année dernière. La guerre entre l’Ukraine et la Russie, qui préoccupe tant le Souverain Pontife, fut en effet au cœur de la 10e station - Jésus dépouillé de ses vêtements. Deux jeunes gens ont décrit l’angoisse d’un exil hors de l’Ukraine pour l’une, et pour l’autre, la douleur d’une mort injuste, celle de son frère, sur fond de propagande. Une prière fut ensuite récitée en commun, avec l’invocation répétée «Purifie-nous Seigneur!» 


Calvaires des temps modernes La violence, les injustices et la pauvreté ont aussi été dépeintes lors des autres stations. La Terre Sainte, point de départ de cette Via Crucis, est le lieu où «la violence semble être notre unique langage». «Aujourd’hui comme hier, nous sommes continuellement appelés à choisir entre Jésus et Barabbas: la rébellion ou la mansuétude, les armes ou le témoignage, le pouvoir humain ou la force silencieuse de la petite semence, le pouvoir du monde ou celui de l’Esprit. En Terre Sainte, il semble que notre choix se porte toujours sur Barabbas», a déploré le premier lecteur. Il y eut ensuite le récit du calvaire des temps modernes enduré par des migrants, dans une prison de Libye, un bateau délabré, ou face à une administration déshumanisante. «Je suis resté dans un centre pendant six mois et là, j’ai perdu la tête. Tous les soirs, je demandais à Dieu pourquoi: pourquoi des hommes comme nous doivent-ils nous considérer comme des ennemis?», a témoigné l’un d’entre eux. La voix d’une mère de famille d’Amérique du Sud, voyant dans le visage de sa petite fille ensanglantée celui du Christ, s’est aussi faite entendre dans l’arène du Colisée. Avec l’Afrique, il fut question de tortures, en Asie de bombardements aveugles, dans les Balkans, des sévices exercés sur un prêtre dont la prière était l’unique défense. «Dans cette vallée de larmes et de "pourquoi"... j'ai pensé à Jésus. Lui aussi est tombé sous le poids de la violence, au point de dire sur la Croix: "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?"», écrit une religieuse africaine. 

La force de pardonner Mais au milieu de l’horreur, chacun put retrouver de l’espérance en regardant vers le Crucifié. «Jésus, tu es tombé sous la croix, mais tu t’es ensuite relevé, tu as pris de nouveau la croix et, avec elle, tu nous as donné la paix. Tu nous pousses à prendre notre vie en main, tu nous pousses au courage de l’engagement qui se dit dans notre langue "compromiso"», a confié un jeune d’Amérique centrale. Ces témoignages en clair-obscur, où luisaient des étincelles de foi – «tout passe sauf Dieu» écrit une sœur -, étaient aussi des «paroles de paix». Une mère cherche à pardonner à ses agresseurs, une religieuse veut «aimer comme Jésus l’aime», un adolescent africain déplacé «remercie Dieu qui nous relève comme un père, ainsi que beaucoup d'hommes généreux que je ne connaîtrai peut-être jamais et qui, en nous aidant, nous permettent de survivre». De tous les points du globe, orientés en ce Vendredi Saint vers l’unique Croix du Christ, s’est élevé un cri pour la paix. «Jésus, s’il te plait, fais que la paix règne dans le monde entier et que nous puissions tous être frères», a imploré le jeune russe dans son témoignage. «Nous, chrétiens, nous voulons être des instruments de paix. Convertis-nous à toi, Jésus, et donne-nous la force, car toi seul es notre force», a demandé une femme d’Asie du Sud-Est, mettant ses pas dans ceux des femmes de Jérusalem au jour de la Passion. Semence d’un monde pacifié, le pardon était accordé par certains de ces témoins. «Quand le Pape est venu sur notre continent, nous avons déposé au pied de la Croix de Jésus les vêtements des hommes armés qui nous font encore peur. Au nom de Jésus nous leur pardonnons tout ce qu’ils nous ont fait», ont ainsi assuré des jeunes filles d’Afrique Australe lors de la quatorzième et ultime station. 

Quatorze mercis au Seigneur 
Les derniers mots de ce Chemin de Croix furent une prière chargée de silence et de reconnaissance, en attendant la résurrection, celle du Christ victorieux et avec lui de tous les peuples écrasés par le mal. 
«Seigneur Jésus, Parole éternelle du Père, tu t’es fait silence pour nous. Et, dans le silence qui nous conduit à ton tombeau, il y a encore un mot que nous voulons te dire en repensant à la Via Crucis que nous avons parcourue avec Toi: merci ! 

Merci, Seigneur Jésus, pour la douceur qui confond l'arrogance. 
Merci pour le courage avec lequel tu as embrassé la Croix. 
Merci pour la paix qui jaillit de tes blessures. 
Merci de nous avoir donné ta sainte Mère comme notre Mère. 
Merci pour l'amour dont tu as fait preuve face à la trahison. 
Merci d'avoir transformé les larmes en sourire. 
Merci d'aimer tout le monde sans exclure personne. 
Merci pour l’espérance que tu insuffles à l'heure de l'épreuve. 
Merci pour la miséricorde qui guérit les misères. 
Merci de t'être dépouillé de tout pour nous enrichir. 
Merci d'avoir transformé la Croix en arbre de vie. 
Merci pour le pardon que tu as offert à tes assassins. 
Merci d'avoir vaincu la mort. 

Merci, Seigneur Jésus, pour la lumière que tu as allumée dans nos nuits et qui, réconciliant toutes les divisions, a fait de nous tous des frères, enfants du même Père qui est aux cieux».