jeudi

Sainte Angèle de Foligno
Pénitente italienne ( 1310)

Née à Foligno en Ombrie, dans une famille riche, elle est mariée toute jeune par ses parents et elle connaît alors une vie mondaine et frivole qui lui fait abandonner la pratique des sacrements. Subitement convertie, elle voudrait bien se confesser, mais elle n'ose avouer toutes ses fautes au confesseur. Elle s'en va communier et reste tourmentée par cette communion sacrilège. C'est à ce moment-là qu'elle reçoit la vision de saint François d'Assise, mort vingt ans avant sa propre naissance. Elle multiplie alors les austérités, médite de longues heures, distribue aux pauvres ce qu'elle possède et passe pour folle aux yeux des siens. Et puis, elle perd coup sur coup, sa mère, son époux, ses fils. Elle se livre alors à la pauvreté absolue. Des visions du Christ crucifié lui font atteindre les sommets de la mystique dans des crises violentes qui effraient ses amis. Les Frères Mineurs, disciples de saint François, se méfient d'elle d'autant qu'elle prend part aux controverses qui opposent, dans l'Ordre, les partisans d'une pauvreté mitigée et ceux d'une application stricte de l'idéal franciscain primitif. Les dernières années de sa vie seront plus paisibles, favorisées de grâces extraordinaires. "Elle semblait jouir du bonheur céleste."

Article complet sur Angèle de Foligno 


Le livre des visions et des instructions de Sainte Angèle :  
Téléchargement direct sans prévisualisation : 



Voulez-vous recevoir le Saint-Esprit ?

- Priez. Les apôtres priaient quand il est descendu

Priez et gardez-vous, et ne donnez pas prise à l’ennemi, qui est toujours en observation. Vous ouvrez la place à l’ennemi, dès que vous cessez de prier. Plus vous serez tenté, plus il faut persévérer dans la prière. La tentation vient quelquefois à raison même de la prière, tant les démons désirent l’empêcher. Ne vous en souciez que pour redoubler ! C’est elle qui délivre, c’est elle qui illumine, n’est elle qui purifie, c’est elle qui unit à Dieu. L’oraison est la manifestation de Dieu et de l’homme. Cette manifestation est l’humilité parfaite, qui réside dans la connaissance de Dieu et de soi. L’humilité profonde est la source d’où sort la grâce divine pour se verser dans l’âme où elle veut entrer et grandir. Suivez cet enchaînement. Plus la grâce creuse l’abîme de l’humilité, plus elle grandit elle-même, s’élançant du fond de cet abîme, d’autant plus haute qu’il est plus profond : plus la grâce grandit, plus l’âme creuse l’abîme de l’humilité, et elle s’y couche comme dans un lit, et elle s’enfonce dans l’oraison, et la lumière divine grandit dans l’âme, et la grâce creuse l’abîme, et la hauteur et la profondeur s’enfantent l’une l’autre.

Tels sont les fruits du livre de vie.

Sainte Angèle de Foligno



Exercices Spirituels et Le récit du Pèlerin de St Ignace


Article complet sur sur St Ignace de Loyola


Les Exercices Spirituels
Durée : de 7 à 30 jours




·       Le Récit du Pèlerin: Autobiographie de saint Ignace de Loyola



samedi

Thérèse de Lisieux

Thérèse de Lisieux (1873 - 1897)



Le 6 avril 2011, Benoît XVI a tracé un portrait de sainte Thérèse de Lisieux. Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face n'a vécu que 24 ans à la fin du XIX siècle. "Si sa vie fut très simple et cachée, la publication de ses écrits après sa mort en fit une des saintes les plus connues et aimées. La Petite Thérèse n'a cessé d'aider les âmes les plus simples, les humbles et les pauvres, les malades qui la priaient. Mais elle a aussi éclairé l’Église entière de sa profonde doctrine, au point que le vénérable Jean-Paul II lui attribua en 1997 le titre de docteur de l’Église... qui s'ajouta à celui de patronne de la Mission décerné par Pie XI en 1939... Il la définit experte en Scientia Amoris, cette science qui fait resplendir dans l'amour toute la vérité de la foi, ainsi que Thérèse l'a raconté dans son Histoire d'une âme".


L'ensemble de ses écrits en ligne : 

Cliquez sur l'image
Récit de vie

Thérèse Martin est née à Alençon en 1873, elle est la cinquième et
dernière fille (2 garçons et 2 filles mourront en bas âge) de Louis et Zélie Martin qui furent béatifiés par Benoît XVI en 2008. Elle vécue ses premières années "entourée d'amour", elle n'a que 4 ans quand la mort de sa mère introduit une brisure dans sa vie. Le père et la quintette de ses filles s'installent alors à Lisieux pour se rapprocher d'une partie de sa famille. Elle fut alors fut alors frappée d'une longue et grave maladie nerveuse dont elle guérit en 1886 grâce au "sourire de la Vierge Marie". 

Deuxième drame qui ébranle Thérèse enfant: sa sœur Pauline puis sa sœur Marie, qu'elle avait choisies successivement comme "petite mère" entrent au Carmel. La nuit de Noël, par une grâce puissante, elle retrouve le joyeux équilibre de son enfance et s'élance, dans "une course de géant", vers le Dieu-Amour qui l'a saisie. Non sans démarche, allant intrépidement jusqu'à Rome se jeter aux pieds du pape, elle obtient d'entrer au Carmel à quinze ans, le 9 avril 1888. 

Avec une fidélité héroïque, elle y poursuit sa route vers la sainteté. Le Seigneur lui découvre peu à peu sa "petite voie" d'abandon et de confiance audacieuse. 

Elle prononça ses vœux en 1890 et en 1896 commença la maladie de la tuberculose qui la porta à la mort et qui fut "une passion de l'âme... Le 9 juin 1895, elle s'offre à l'amour miséricordieux de Dieu. Elle vécut la foi la plus héroïque, telle une lumière dans les ténèbres envahissant l'âme... Dans ce cadre de souffrance, elle vécut le plus grand des amours dans les choses les plus infimes de la vie quotidienne, portant à l'accomplissement sa vocation d'être l'amour au cœur de l'Église". Durant sa longue maladie, elle s'est conformée au Christ, dans le mystère de son agonie pour le salut des pécheurs qui n'ont pas la foi. Elle meurt à 24 ans, le 30 septembre 1897 en disant simplement: "Mon Dieu, je vous aime", Jésus je t'aime étant au cœur de tous ses écrits. "Elle fut un des ces petits dont parle l'Évangile, qui se laissent conduire à Dieu dans la profondeur de son mystère, mais aussi un guide pour tous et en particulier pour" les théologiens. "Avec humilité et charité, foi et espérance, Thérèse entrait sans cesse dans l'Ecriture qui renferme le mystère du Christ. Nourrie de la science de l'amour, cette lecture biblique s'oppose à la science académique. En effet, la science des saints, dont parle la dernière page de l'Histoire d'une âme, est la science supérieure... Dans l’Évangile elle trouva avant tout la miséricorde de Jésus...et le point final de son récit furent la confiance et l'amour, des mots qui ont éclairé son chemin de sainteté, qui ont guidé ce qu'elle appelait son petit chemin de confiance et d'amour, celui de l'enfant qui s'abandonne". 

Quelques années plus tard, le récit de sa vie "Histoire d'une Âme", écrit par obéissance, connaît un succès populaire époustouflant et les  témoignages de grâces obtenues par son intercession affluent au monastère, si nombreux que le Pape parle d'un "ouragan de gloire". Proclamée patronne des missions de l'Église universelle et docteur de l'Église en 1997. 

"Je puis donc, malgré ma petitesse, aspirer à la sainteté. Me grandir, c’est impossible, mais je veux chercher le moyen d’aller au ciel par une petite voie bien droite, bien courte et toute nouvelle. Et j’ai lu: Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. Alors, je suis venue"

Sainte Thérèse - Histoire d’une âme

Sainte Thérèse de Lisieux : comment a-t-elle découvert sa vocation ?

Comment Thérèse a-t-elle discerné sa vocation, quelles étapes a-t-elle connues dans la découverte progressive de l’appel de Dieu, comment sa "mission" a coloré de façon très particulière et personnelle la vocation globale, "Vocation au Carmel", qui fut la sienne,… autant de questions qui peuvent éclairer les jeunes aujourd’hui dans leur propre recherche.

Mais il faut tenir compte des changements de mentalité et d’environnement. Toute vocation est unique, aussi bien dans son cheminement que dans les caractéristiques personnelles de l’appel entendu. La vocation de Thérèse n’est donc identique à aucune autre, même si des points communs apparaissent et que sa réponse forte et enthousiaste à l’appel de Dieu peut appuyer la nôtre.

Dès neuf ans, Thérèse est sûre de sa vocation

Un certain nombre de vocations ont germé dès l’enfance : c’est le cas pour Thérèse. D’autres viennent plus tard, dans une découverte personnelle de la foi et de l’attachement au Christ.

Thérèse s’adresse à la mère Marie de Gonzague, la prieure du Carmel où vient d’entrer sa sœur Pauline :

"Vous m’avez expliqué la vie du Carmel qui me sembla si belle ! En repassant dans mon esprit tout ce que vous m’aviez dit, je sentis que le Carmel était le désert où le Bon Dieu voulait que j’aille aussi me cacher… Je le sentis avec tant de force qu’il n’y eut pas le moindre doute dans mon cœur : ce n’était pas un rêve d’enfant qui se laisse entraîner, mais la certitude d’un appel divin ; je voulais aller au Carmel non pour Pauline, mais pour Jésus seul… Je pensai beaucoup de choses que les paroles ne peuvent rendre, mais qui laissèrent une grande paix dans mon âme" (MssA 26r°).

La Première Communion de Thérèse

Expérience très forte pour l’enfant de onze ans, la Première Communion de Thérèse vient confirmer son amour de Dieu et son désir de lui consacrer sa vie.

"Ce fut un baiser d’amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : "Je vous aime, je me donne à vous pour toujours." Il n’y eut pas de demandes, pas de luttes, de sacrifices, depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s’étaient regardés et s’étaient compris".

La grâce de Noël 1886

Thérèse connaît ce soir là une guérison radicale : elle est délivrée des névroses qui la maintenaient dans l’enfance, enfermée sur elle-même et incapable d’avancer malgré dix ans d’efforts (les dix ans qui se sont écoulés depuis la mort de sa mère, disparition qui fut la cause principale de ses difficultés).

"En cette nuit de lumière commença la troisième partie de ma vie, la plus belle de toutes, la plus remplie des grâces du ciel… En un instant, l’ouvrage que je n’avais pu faire en dix ans, Jésus le fit se contentant de ma bonne volonté qui jamais ne me fit défaut. Comme ses apôtres, je pouvais lui dire : «Seigneur, j’ai pêché toute la nuit sans rien prendre.» Plus miséricordieux encore pour moi qu’il ne le fut pour ses disciples, Jésus prit lui-même le filet, le jeta et le remplit de poissons… Il fit de moi un pêcheur d’âmes, je sentis un grand désir de travailler à la conversion des pécheurs, désir que je n’avais pas senti aussi vivement… Je sentis en un mot la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m’oublier pour faire plaisir et depuis lors je fus heureuse !…"

"Le cri de Jésus sur la Croix retentissait aussi continuellement dans mon cœur : «J’ai soif !» Ces paroles allumaient en moi une ardeur inconnue et très vive… Je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me sentais moi-même dévorée de la soif des âmes… Ce n’était
pas encore les âmes des prêtres qui m’attiraient, mais celles des grands pécheurs, je brûlais du désir de les arracher aux flammes éternelles…" (MssA 45v°). C’est alors que Thérèse raconte "l’affaire Pranzini", son premier pécheur : "J’entendis parler d’un grand criminel qui venait d’être condamné à mort pour des crimes horribles (il tua une mère et sa fille), tout portait à croire qu’il mourrait dans l’impénitence. Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer (…) J’offris au Bon Dieu tous les mérites infinis de Notre-Seigneur, les trésors de la Sainte Église, enfin je priai Céline de faire dire une messe dans mes intentions (…) Je sentais au fond de mon cœur la certitude que mes désirs seraient satisfaits (…) Je dis au Bon Dieu que j’étais bien sûre qu’il pardonnerait au pauvre malheureux Pranzini, que je le croirais (que je croirais que Dieu lui pardonnerait NDLR), même s’il ne se confessait pas et ne donnait aucune marque de repentir, tant j’avais confiance en la miséricorde infinie de Dieu, mais que je lui demandais seulement un signe de repentir pour ma simple consolation." (MssA, 45v°).

On sait comment, d’après le journal "La Croix", au moment de monter sur l’échafaud, Pranzini embrassa par trois fois le crucifix que lui tendait l’aumônier : Thérèse avait son signe.

Il faut noter comment Thérèse découvre progressivement sa vocation personnelle :

- son désir initial est "d’entrer au Carmel pour Jésus",
- puis elle veut "prier pour les pécheurs",
- ensuite, après le pèlerinage à Rome, elle désire prier pour les prêtres : "Ce que je venais faire au Carmel, je l’ai déclaré aux pieds de Jésus-Hostie, dans l’examen qui précéda ma profession : "je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres" (MssA 69v°).

Plus tard, elle découvrira sa véritable vocation : "Au cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour".

L’acte d’offrande à l’amour miséricordieux du Bon Dieu

Son attachement à Jésus est primordial dans sa vocation. Ce fut son premier désir en pensant au Carmel, elle en fit une expérience très forte et intime lors de sa Première Communion. Elle l’exprime avec enthousiasme dans son acte d’offrande. Avec l’accord de la prieure, elle propose aux novices dont elle a reçu la charge, de faire elles aussi cette offrande. On voit combien elle se démarque des aspects jansénistes de la piété d’alors, où l’on voulait plutôt apaiser la justice divine que s’offrir à son amour.

Le 9 juin de l’an de grâce 1895

« Ô mon Dieu ! Trinité bienheureuse, je désire vous aimer et vous faire aimer, travailler à la glorification de la Sainte Église en sauvant les âmes qui sont sur la terre et en délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m’avez préparé dans votre royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu, d’être vous-même ma Sainteté.

Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Époux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son cœur brûlant d’Amour.

Je vous offre encore tous les mérites des Saints (…) et les mérites de la Sainte Vierge, ma mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande en la priant de vous la présenter. Son Divin Fils, mon Époux Bien-Aimé, aux jours de sa vie mortelle nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera ! » Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais ô mon Dieu ! Plus vous voulez donner, plus vous faites désirer. Je sens en mon cœur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! Je ne puis recevoir la sainte communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?… Restez en moi, comme au Tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie. (…)

Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Cœur Sacré et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.

Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. (…)

Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, JE M’OFFRE COMME VICTIME D’HOLOCAUSTE À VOTRE AMOUR MISÉRICORDIEUX, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont enfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour, ô mon Dieu !…

Que ce martyre, après m’avoir préparée à paraître devant vous me fasse enfin mourir et que mon âme s’élance sans retard dans l’éternel embrasement de votre Miséricordieux Amour…
Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon cœur, vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois jusqu’à ce que, les ombres s’étant évanouies, je puisse vous redire mon Amour dans un Face à Face éternel ! »


"Dans le cœur de l’Église, je serai l’Amour"

Thérèse a réalisé jusqu’alors sa vocation de carmélite. Mais elle est habitée de grands désirs et l’insatisfaction demeure : une vocation ne lui suffit pas, elle les veut toutes. A la suite d’une longue réflexion et d’une prière assidue, elle finit par trouver le secret qu’elle s’épuisait à chercher.

"Ah ! Pardonnez-moi, Jésus, si je déraisonne en voulant redire mes désirs, mes espérances qui touchent à l’infini …"

"Je sens en moi la vocation de prêtre, avec quel amour, ô Jésus, je
te porterais en mes mains lorsque, à ma voix, tu descendrais du ciel… Avec quel amour je te donnerais aux âmes !… Mais hélas, tout en désirant d’être prêtre, j’admire et j’envie l’humilité de St François d’Assise et je me sens la vocation de l’imiter en refusant la sublime dignité du sacerdoce."

"Ô Jésus ! Mon amour, ma vie… Comment allier ces contrastes ? … "

"Ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées… Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et jusqu’à la consommation des siècles… Mais je voudrais par dessus tout, ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang jusqu’à la dernière goutte…"

Finalement, c’est la lecture de saint Paul qui l’éclaire et lui donne la solution :

"J’y lus que tous ne peuvent être apôtres, prophètes, docteur, etc. Que l’Église est composée de différents membres et que l’œil ne saurait être en même temps la main. (…) Je ne m’étais reconnue dans aucun des membres décrits par saint Paul, ou plutôt je voulais me reconnaître en tous. La charité me donna la clé de ma vocation. Je compris que l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, et que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… En un mot, qu’il est éternel…"

"Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : Ô Jésus mon amour… Ma vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation c’est l’Amour !… Oui, j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé !!!…"

"Oui, mon Bien-Aimé, voilà comment se consumera ma vie… Je
n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour…"

"Ô mon Jésus, je t’aime, j’aime l’Église ma Mère, je me souviens que "le plus petit mouvement de pur amour lui est plus utile que toutes les autres œuvres ensemble"" (MssB 2v°, 3r°&v°, 4r°&v°).

La vocation dans l’épreuve de la foi

Une vocation limpide ? Par certains côtés, oui : elle ne s’est jamais démentie et Thérèse n’en a jamais douté. Mais sa vocation est aussi un long cheminement que la lourde épreuve de la foi mène à sa perfection. Rappelons qu’elle a alors vingt-deux ans.

"Il (Jésus) permit que mon âme fût envahie des plus épaisses ténèbres et que la pensée du ciel, si douce pour moi ne soit plus qu’un objet de combat et de tourment… Cette épreuve ne devait pas durer quelques jours, quelques semaines, elle ne devait s’éteindre qu’à l’heure marquée par le Bon Dieu et… cette heure
n’est pas encore venue… Je voudrais pouvoir exprimer ce que je sens, mais, hélas, je crois que c’est impossible. Il faut avoir voyagé sous ce tunnel pour en comprendre l’obscurité (…). Je vous parais peut-être exagérer mon épreuve, en effet si vous jugez d’après les sentiments que j’exprime dans les petites poésies que j’ai composées cette année, je dois vous sembler une âme remplie de consolations et pour laquelle le voile de la foi s’est presque déchiré, et cependant… ce n’est plus un voile pour moi, c’est un mur qui s’élève jusqu’aux cieux et couvre le firmament étoilé… Lorsque je chante le bonheur du ciel, l’éternelle possession de Dieu, je n’en ressens aucune joie, car je chante simplement ce que je veux croire. Parfois il est vrai, un tout petit rayon vient illuminer mes ténèbres, alors l’épreuve cesse un instant, mais ensuite le souvenir de ce rayon, au lieu de me causer de la joie, rend mes ténèbres plus épaisses encore."

"Jamais je n’ai si bien senti combien le Seigneur est doux et miséricordieux, il ne m’a envoyé cette épreuve qu’au moment où j’ai eu la force de la supporter, plus tôt je crois bien qu’elle m’aurait plongée dans le désespoir…"

"Ah ! Que Jésus me pardonne si je lui ai fait de la peine, mais il sait bien que tout en n’ayant pas la jouissance de la Foi, je tâche au moins d’en faire les ouvres. Je crois avoir fait plus d’actes de foi depuis un an que pendant toute ma vie". (MssC 6v°-7r°).

Vocation, prière et apostolat

Dans une lettre à sa sœur Céline, Thérèse souligne combien vocation contemplative, prière et apostolat sont liés. Elle insiste sur le rôle irremplaçable de la prière pour l’évangélisation du monde.

"A la vérité, la moisson est abondante mais le nombre des ouvriers est petit ; demandez donc au maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers. Quel mystère !… Jésus n’est-il pas Tout-Puissant ? Les créatures ne sont-elles pas à celui qui les a faites ? Pourquoi Jésus dit-il donc : "Demandez au maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers" ? Pourquoi ?… Ah ! C’est que Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’Il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. Le Créateur de l’univers attend la prière d’une pauvre petite âme pour sauver les autres âmes rachetées comme elle au prix de tout son sang."

"L’apostolat de la prière n’est-il pas pour ainsi dire plus élevé que celui de la parole ? Notre mission comme Carmélites est de former des ouvriers évangéliques qui sauveront des milliers d’âmes dont nous serons les mères… Céline, si ce n’était pas les paroles mêmes de notre Jésus, qui oserait y croire ?… Je trouve que notre part est bien belle, qu’avons-nous à envier aux prêtres ?…" (LT 135).

La "Petite Voie" proposée aux "petites âmes"

Tout au long de sa vie, Thérèse a expérimenté, dans sa recherche de Dieu, un chemin accessible à tous, aux "petites âmes", comme elle les appelle : sa "Petite Voie", faite d’humilité, de confiance et de petitesse. Quelque infinis que soient ses désirs, elle se sait petite, elle s’accepte et se veut petite. Elle se sait incapable de rien faire par elle-même et se confie à l’amour du Père pour devenir une sainte.

"Vous le savez (…), j’ai toujours désiré être une sainte, mais hélas ! J’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections, mais je veux chercher le moyen d’aller au ciel par une petite voie bien droite, bien courte, toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur les remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai cherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Éternelle : Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. Alors je suis venue devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais, et voulant savoir, ô mon Dieu, ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : comme une mère console son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! Ah ! Jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus. Pour cela, je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite (…) !" (MssC 3r°)

La "Petite Voie" qu’elle a découverte, Thérèse comprend qu’il lui faut la communiquer à tous les "petits" qui, comme elle, désirent la sainteté. Dans ses derniers mois, cela devient pour elle comme une hantise : "Je sens que je vais entrer dans le repos, dit-elle à sa sœur Pauline, mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le Bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voie aux âmes. Si le Bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre". (DE, CJ, 17/07/97).

« Ma petite doctrine » comme vous l’appelez…

Le chemin spirituel de Thérèse Martin fut solitaire. Certes, elle a beaucoup reçu de sa famille, de ses éducateurs, des maîtres du Carmel. Mais aucun prêtre ne l’a profondément marquée. En elle, le Saint-Esprit a tracé un chemin d’authenticité - « Je n’ai jamais cherché que la vérité » - qui lui a révélé les profondeurs de l’Amour trinitaire et une « voie » pour les rejoindre, sans aucun souci didactique : tout est venu de la vie, des événements quotidiens relus à la lumière de la Parole de Dieu. Son apport incomparable à la spiritualité du XXe siècle est un retour à l’Evangile dans sa pureté radicale. « Si vous ne redevenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. » (Matthieu 18,3)

Bien qu’elle n’ait jamais pu disposer de l’Ancien Testament intégral, elle a opéré un retour à la méditation de la Parole de Dieu. Sans aucune initiation, sans aucune culture biblique, elle cite plus de 1000 fois la Bible dans ses écrits. Ce n’est qu’à vingt-deux ans que deux textes de l’Ancien Testament cristallisent en elle une longue recherche : l’illumination de « la voie d’enfance spirituelle » qui va symboliser son apport.

« Je veux être une sainte »

Thérèse, ardente adolescente est partie pour la sainteté. Elle écrit à son père : « Je ferai ta gloire en devenant une grande sainte ».

Mais très vite, au Carmel, elle va se heurter à ses faiblesses et à son impuissance, lorsqu’elle se compare aux Saints. Ils lui apparaissent comme une montagne alors qu’elle n’est qu’un grain de sable. « Me grandir, c’est impossible », constate-t-elle, mais sans se décourager. Car si Dieu a mis en elle ces désirs de sainteté, c’est qu’il doit y avoir une route, une voie pour gravir « le rude escalier de la perfection ».


Sainte Thérèse en Amérique - Document KTO

Les enfants

La Parole de Dieu va lui ouvrir la voie : « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. » (Proverbes, 9,4) « Alors je suis venue », écrit la « petite Thérèse » en se demandant ce que Dieu ferait au petit qui viendrait à lui, elle lit Isaïe 66 : : dès lors, elle a compris qu’elle ne pourra pas monter seule cet escalier mais que Jésus la prendra dans ses bras, tel un ascenseur rapide.

Dès lors, la petitesse de Thérèse n’est plus un obstacle, au contraire. Plus elle sera petite et légère dans les bras de Jésus, plus Il la fera sainte par une ascension rapide.

C’est ainsi que Thérèse raconte sa découverte de la petite voie (Manuscrit C, 2).

C’est d’abord une découverte de ce qu’est Dieu : essentiellement Amour Miséricordieux. Désormais, elle verra toues les perfections divines (y compris sa Justice) à travers le prisme de sa Miséricorde.

Ceci entraîne de sa part une audacieuse confiance : « Je désire être sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d’être vous-même ma sainteté. » (Acte d’Offrande)

Accepter de se laisser faire par Dieu n’implique aucun infantilisme facile. Thérèse fera concrètement tout ce qui est possible pour montrer concrètement son amour pour Dieu et ses sœurs  mais dans une totale gratuité, celle de l’amour.

Dans toutes les situations et tous les actes de sa vie, Thérèse va « appliquer » cette voie : Dieu lui demande ceci, elle sent qu’elle en est incapable, donc Il le fera en elle. Un exemple : aimer toutes ses sœurs comme Jésus les aime lui est impossible. Alors s’unissant à Lui, c’est Lui qui les aimera en Thérèse. « Oui, je le sens lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j’aime toutes mes sœurs. » (Manuscrit C, 13 r°)

Voilà un chemin de sainteté qui s’ouvre pour tous, les petits, les pauvres, les blessés : accepter le réel de sa faiblesse et s’offrir à Dieu tel qu’on est pour qu’il agisse en nous.

On comprend mieux alors qu’une telle phrase, par exemple, est aux antipodes de la mièvrerie mais explicite au contraire l’enfance évangélique prêchée par Jésus : « Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père. » (Manuscrit B, 1 v°)

Ses intuitions en font une annonciatrice des grandes vérités remises en lumière par le Concile Vatican II : primauté du mystère pascal de Jésus sur toutes les dévotions particulières, la voie de la sainteté pour tout baptisé, mariologie qui voit en Marie « plus une Mère qu’une Reine », ayant vécu l’épreuve de la foi (cf. Le poème « Pourquoi je t’aime, ô Mère », testament marial, mai 1897), ecclésiologie de communion fondée sur la présence de l’Amour (l’Esprit-Saint) au cœur de l’Eglise qui anime toutes les vocations complémentaires dans la Communion des Saints du Ciel et de la Terre.

Révolution aussi dans la conception des Fins dernières : non plus le
repos, mais l’action : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. »

Thérèse, sans le savoir, a ouvert des chemins œcuménisme : sa lecture de l’épître aux Romains séduit les luthériens ; l’orthodoxie l’aime avec saint François d’Assise (les symboles universels utilisés par ces deux saints facilitent leur inculturation en d’autres civilisations.)

Plusieurs vidéos très passionnantes :

Vie et enseignement de Thérèse


Thérèse et la vie au Carmel

Vie de Thérèse - France2

Son pèlerinage à Rome

Thérèse superstar - France3

Sainte Thérèse en Amérique


Lisieux vu du ciel


mardi

Saint Antoine de Padoue

La Passion de Jeanne d'Arc - Carl Th. Dreyer

Le frère André

Le passeur d'âmes (l'Abbé Stock)

L'histoire de Ruth

Saint Maximilien Kolbe

Saint Patrick

Saint Charbel

Bernadette

La Terre Promise

Journal d'un curé de campagne (Bernanos)

La vie de Saint Pierre

Saint Paul

Partie 1/2


Partie 2/2

L'île

Hiver 54, l'Abbé Pierre

Faustine (Sainte Faustine Kowalska)

Saint Jean de la Croix

Amazing Grace

Le miracle de Fatima

Des Hommes et des Dieux

Les Misérables - Lino Ventura, Alain Decaux, Robert Hossein









La Passion du Christ

François et le chemin du soleil

La nuit du prophète - Film sur Padre Pio


Mère Teresa


 
 

Fatima

                

lundi

Edith Stein

Sainte Edith Stein : juive, philosophe, carmélite, martyr... 

Edith Stein, Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, fille de l'Eglise et fille d'Israël, canonisée à Rome le 11 octobre 1998 et proclamée co patronne de l'Europe, nous apprend "comment vivre dans la main du Seigneur".


Le 13 décembre 1925, quelques jours avant de fêter le quatrième anniversaire de son baptême reçu en janvier 1922, Edith écrit une lettre à son ami, le philosophe polonais Roman Ingarden. En quelques lignes, elle évoque sans complaisance le temps de leur amitié et de leurs études universitaires à Göttingen, puis à Fribourg-en-Brisgau : "J’étais un peu comme quelqu’un qui est en danger de se noyer […], devant mon âme se dresse l’image du tombeau sombre et froid. Que devrait-on ressentir d’autre sinon de la frayeur et une reconnaissance infinie pour le bras puissant qui [vous] a saisi et conduit dans une contrée sûre ?" 

Vers 1915, tous deux sont les étudiants du philosophe allemand Edmund Husserl, fondateur de la phénoménologie. Edith, ainsi que sa sœur la plus proche, Erna, font partie de ces premières femmes qui fréquentent l’université allemande au début du siècle : l’une pour des études de philosophie, l’autre en médecine. En 1916, Edith obtient le titre de 
docteur ; son travail de recherche est récompensé par la mention la plus haute. Tandis que la plupart de ses amis philosophes étudiants se battent sur les champs de bataille d’Europe, Edith devient pour peu de temps l’assistante privée de Husserl. Elle-même a servi comme infirmière de la Croix Rouge pendant plusieurs mois dans un hôpital militaire de Moravie. Après environ deux ans d’un travail laborieux de rangement et de traduction des notes philosophiques du "maître", Edith met fin à sa collaboration avec Husserl, dont elle avait tant espéré ; elle n’est parvenue à aucun échange véritable d’idées avec ce dernier. A cette déception vient s’ajouter l’échec des tentatives faites en vue de l’habilitation universitaire : Edith est femme, elle est juive... "

[…] L’été 1919 […], j’étais dans un état pitoyable. […] Cela avait commencé bien avant et a duré avec des hauts et des bas quelques années encore, jusqu’à ce que j’aie trouvé le lieu où le calme et la paix sont offerts à tous les cœurs inquiets." Pourquoi cette jeune intellectuelle juive, devant qui s’ouvrait un avenir riche en promesses, se dit-elle "familière des dépressions" ? Comment peut-elle écrire que "le meilleur moyen de s’accommoder de ce monde pitoyable serait d’en prendre congé" ? La tragédie existentielle que traverse Edith a sans doute débuté en plein cœur de la première guerre mondiale : son échec professionnel avec Husserl et la mort brutale de nombre de ses amis sont venus ébranler "l’espérance" qu’elle avait "d’accomplir quelque chose pour la philosophie" et sa "curiosité" confiante face à l’avenir de l’Europe ; elle a l’impression d’appartenir à "une génération disparue depuis longtemps" et se demande étonnée "comment il se fait que l’on vive encore".

Le malaise d’Edith culmine avec la mort d’un ami cher, Adolf Reinach, le bras droit de Husserl à Göttingen, qui l’avait beaucoup aidée lors de la rédaction de sa thèse de doctorat. S’étant rendue à Göttingen pour l’enterrement, Edith adresse le 24 décembre 1917 à Roman Ingarden, alors à Fribourg, la lettre suivante : "Mon amour, ce soir je désire être encore une fois auprès de toi, car j’ai quelque chose à te dire. Je te
demande d’abord pardon parce que ces derniers temps, je n’étais capable d’aucune joie, tant je me trouvais sous le poids des journées difficiles que je venais de vivre. Ce qui m’accable maintenant le plus, c’est en premier lieu de n’avoir pas eu la force de te cacher ma souffrance et d’avoir apporté ainsi une ombre de plus dans ta vie à la place d’un rayon de soleil. Ce que je cherche maintenant, c’est la paix et le recouvrement de la conscience complètement brisée de moi-même. Sitôt que j’aurai le sentiment d’être de nouveau quelque chose et de pouvoir donner quelque chose aux autres, je veux te revoir. […]" 

Ce document, unique dans la correspondance d’Edith, révèle quelle importance revêtait pour elle son amitié avec Roman Ingarden. Probablement avait-elle songé au mariage, mais sans trouver de réciprocité. Elle ne recevra pour toute réponse à cette déclaration d’amour qu’une "vilaine lettre", selon ses propres termes. 

Au cœur de ces ténèbres, une lumière se lève. En lieu et place du désespoir redouté, elle reçoit, de la part de la veuve d’Adolf Reinach, courage et réconfort. Elle confiera plus tard : "Ce fut ma première rencontre avec la Croix et avec la force divine qu’elle confère à ceux qui la portent." Il lui reste à parcourir encore un long chemin jusqu’à la fameuse nuit de l’été 1921. Comment ne pas entendre dans les vers composés en 1937, à l’occasion du premier anniversaire du baptême de sa sœur Rosa, alors âgée de quarante-deux ans, l’écho de son propre cheminement ? 

"Mon Seigneur et mon Dieu,
Tu m’as conduite sur un long chemin, obscur,
Pierreux et dur. 
Maintes fois mes forces faillirent m’abandonner, 
A peine j’espérais voir un jour la lumière. 
Pourtant, au plus profond de la douleur, 
Où mon cœur fut près de se figer, 
Une étoile claire et douce se leva pour moi." 

En vacances pendant l’été 1921 chez ses amis philosophes, les Conrad-Martius, Edith prend un soir dans leur bibliothèque l’autobiographie de Thérèse d’Avila, la grande sainte espagnole, réformatrice du Carmel. L’ayant lue d’une traite durant la nuit, elle referme le livre en concluant : "C’est la vérité..." Pour elle, dont les forces intellectuelles étaient toutes tendues dans la recherche de la vérité, les conséquences ne se font pas attendre : le premier janvier 1922, en la fête de la circoncision de Jésus, Edith, revenue de loin — n’avait-elle pas pensé au suicide ? — reçoit le baptême de la nouvelle naissance.

"Est-il possible que renaisse 
Celui qui a déjà franchi la moitié de sa vie ? [Edith a trente ans] 
Tu l’as dit, et pour moi c’est devenu réalité. 
Le fardeau d’une longue vie de fautes et de souffrances 
Est tombé de moi. […] 
Oh ! Aucun cœur d’homme ne peut comprendre 
Ce que tu réserves à ceux qui t’aiment. 
Maintenant je t’ai et ne te lâcherai jamais plus. 
Où que conduise le chemin de ma vie, 
Tu es toujours auprès de moi, 
Rien ne pourra jamais me séparer de ton amour."

Non, "rien" : pas même l’incompréhension de sa parenté juive, de tendance libérale pourtant, et la douleur indicible de sa mère, juive fervente, qui ne comprend pas la démarche de sa dernière enfant tendrement aimée... Elle qui avait vu dans la naissance de sa benjamine, le jour de la fête du Grand Pardon, le 12 octobre 1891, un signe mystérieux, n’avait-elle pas tremblé lorsqu’à la suite de ses aînés, l’adolescente
s’était éloignée de la foi des ancêtres et avait décidé de ne plus croire ? Or, plus tard, et paradoxalement, c’est dans la lumière du Christ qu’Edith découvre son héritage juif et l’enracinement vital de sa foi chrétienne en celui-ci. 

La seule vérité qu’elle désire désormais transmettre est la suivante : "comment on peut apprendre à vivre dans la main du Seigneur". Edith ne se lassera pas de redire cette vérité devant des publics variés, allant des femmes catholiques allemandes aux futurs enseignants, en passant par des universitaires. "Pour le jeune, croire qu’il est inscrit dans la main de Dieu et que sa destinée lui est donnée par Dieu, doit éveiller en lui responsabilité et confiance." N’en donne-t-elle pas elle-même un exemple saisissant ? Sur le conseil de son directeur spirituel, elle renonce à rejoindre le Carmel, remplissant pendant dix ans environ sa mission d’enseignement dans le monde. Lorsqu’en 1933, Hitler accède au pouvoir et que les premières manifestations de violence s’exercent à l’encontre des juifs, leur interdisant toute activité professionnelle dans le domaine public, Edith, alors professeur de philosophie dans un institut catholique de sciences pédagogiques, perçoit avec lucidité que, désormais, elle n’a plus d’avenir professionnel dans l’Allemagne nazie. Elle peut enfin réaliser son désir : le 14 octobre 1933, la veille de la fête de sainte Thérèse d’Avila, elle franchit "dans une paix profonde le seuil de la maison du Seigneur", celle du Carmel de Cologne. 

Parmi ses six frères et sœurs, seule sa sœur Rosa qui recevra le baptême plus tard, après la mort de leur mère, comprend sa démarche. Les autres se demandent si ce n’est pas une fuite face à la persécution des juifs. Edith — sœur Thérèse Bénédicte de la Croix — reste solidaire du destin tragique du peuple juif et porte douloureusement dans la prière le sort des siens : "Sous la Croix, je compris le destin du peuple de Dieu […]. Je pensais que ceux qui comprenaient que c’était la croix du Christ, devaient la prendre sur eux au nom de tous." A la fin de l’année 1938 et de sa tristement célèbre "nuit de cristal" (9-10 novembre), elle doit, elle aussi, émigrer. Pourtant, la haine des nazis la rejoint jusque dans le Carmel d’Echt, en Hollande : le 2 août 1942, elle est arrêtée avec sa sœur Rosa et de nombreux autres moines et moniales d’origine juive, suite à la protestation officielle des évêques de Hollande contre la politique de l’occupant nazi. "Viens, allons pour notre peuple", l’entend-on murmurer à sa sœur au moment de leur arrestation. Une semaine plus tard, le 9 août 1942, elles disparaissent toutes les deux à Auschwitz, filles de l’Église, filles d’Israël. 

Film sur Edith Stein - Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix