La mission confiée par le Christ à ses disciples exige beaucoup de dévouement. Hélas, certains pasteurs, dénonce Saint Augustin (354-430), « conduisent les brebis du Christ pour les soumettre à eux-mêmes plutôt qu’au Christ ». Le texte qui suit, extrait de l’office des lectures du 6 décembre (Fête de la saint Nicolas, patron des enfants), est tiré du Commentaire de Saint Augustin sur l’Évangile de Jean 123, 5.
Le Seigneur commence par demander ce qu’il savait ; et non
pas une fois, mais deux et trois fois : est-ce que Pierre l’aime ? Et autant de
fois il entend Pierre affirmer son amour, autant de fois il charge Pierre de
conduire ses brebis. La triple confession compense le triple reniement, pour
que la bouche ne serve pas moins à l’amour qu’à la peur, et que la mort
menaçante ne paraisse pas avoir provoqué plus de paroles que la vie présente.
Conduire le troupeau du Seigneur doit être la fonction de l’amour, puisque
renier le berger fut l’expression de la peur. Ceux qui conduisent les brebis du
Christ pour les soumettre à eux-mêmes plutôt qu’au Christ prouvent qu’ils
n’aiment pas le Christ, mais eux-mêmes.
Cette parole du Christ, si souvent répétée, met en garde
contre ceux-là, dont saint Paul déplore qu’ils cherchent leur intérêt
personnel, non celui de Jésus Christ car en disant : « M’aimes-tu ? Sois le
berger de mes brebis », il dit l’équivalent de ceci : Si tu m’aimes, ne songe
pas à te nourrir, mais à nourrir mes brebis ; conduis-les comme étant à moi,
non à toi ; cherche en elles ma gloire, non la tienne ; mon autorité, non la
tienne ; mon bénéfice, non le tien ; ne sois pas dans la société de ceux qui
appartiennent aux temps difficiles, qui s’aiment eux-mêmes, et qui ont tous les
vices énumérés par saint Paul, en liaison avec ce principe de l’égoïsme. Donc,
qu’ils ne s’aiment pas eux-mêmes, les bergers des brebis du Christ, qu’ils ne
les nourrissent pas comme étant à eux, mais à lui. Le vice dont les bergers des
brebis du Christ doivent se garder le plus, c’est de chercher leur intérêt
personnel, non celui de Jésus Christ, et d’employer à servir leurs convoitises
ceux pour qui le sang du Christ a été répandu.
L’amour du Christ, chez le berger de ses brebis, doit se
développer en une ardeur spirituelle si grande qu’elle triomphe aussi de cette
peur naturelle de la mort qui nous fait refuser de mourir, même quand nous
voulons vivre avec le Christ. Si grande que soit notre horreur de la mort, la
puissance de l’amour doit en triompher, cet amour dont nous aimons celui qui,
étant notre vie, a voulu subir la mort pour nous. S’il n’y avait aucune
difficulté ou bien peu à mourir, la gloire des martyrs ne serait pas si grande.