lundi

Le pape commente la parabole du semeur, parabole de la liberté humaine

"Il dépend de nous de devenir le bon terrain sans épines ni cailloux"

Allocution du pape François avant l'angélus

Frères et sœurs, bonjour!

L'Evangile de ce dimanche (Mt 13,1 à 23) nous montre Jésus prêchant sur les rives du lac de Galilée, et parce qu'une grande foule l’entoure, il monte sur une barque, s'éloigne un peu du rivage et prêche de là. Quand il parle au peuple, Jésus utilise de nombreuses paraboles: un langage compréhensible pour tous, avec des images tirées de la nature et des situations de la vie quotidienne.


La première qu’il raconte constitue une introduction à toutes les paraboles : c’est celle du semeur qui jette sa semence généreusement sur tous types de terrain. Et le vrai protagoniste de cette parabole c'est la graine qui produit plus ou moins de fruit selon le terrain sur lequel elle est tombée. Les trois premiers sont des terrains improductifs : sur le chemin, les graines ont été mangées par les oiseaux; sur le sol caillouteux, les bourgeons se sont desséchés rapidement, car ils n'ont pas de racines; dans les buissons les graines sont étouffées par les épines. Le quatrième terrain est la bonne terre, et là seulement, les graines prennent racine et portent des fruits.

Dans ce cas, Jésus ne s’est pas limité à présenter la parabole, il l'a aussi expliquée à ses disciples. La semence tombée sur le chemin indique ceux qui écoutent l’annonce du Royaume de Dieu mais ne l’accueillent pas ; ainsi le Malin arrive et l’emporte. En effet, le Malin ne veut pas que la semence de l’Evangile germe dans le coeur des hommes. C’est la première comparaison.

La deuxième est celle de la semence qui est tombée sur les pierres: elles représentent les personnes qui écoutent la parole de Dieu et l’accueillent immédiatement, mais superficiellement, parce qu'elles n'ont pas de racines et sont inconstantes; et quand ils arrivent les épreuves et les tribulations, ces personnes sont immédiatement abattues.

Le troisième cas est celui de la semence tombée dans les buissons, Jésus explique qu'il se réfère aux personnes qui entendent la parole, mais, en raison de préoccupations mondaines et de la séduction de la richesse, elle est étouffée.

Enfin, la semence tombée sur un terrain fertile représente ceux qui écoutent la parole, l'accueillent, la gardent, et la comprennent, et elle porte du fruit. Le modèle parfait de cette bonne terre est la Vierge Marie.

Cette parabole parle à chacun de nous aujourd'hui, comme elle a parlé aux auditeurs de Jésus il y a deux mille ans. Elle nous rappelle que nous sommes le terrain où le Seigneur jette sans relâche la semence de sa Parole et de son amour.

Avec quelles dispositions la recevons-nous? Et nous nous pouvons nous poser la question: comment est notre cœur? A quel terrain ressemble-t-il ? Une route, de la pierraille, un buisson?

Il dépend de nous de devenir le bon terrain sans épines ni cailloux, mais labouré et cultivé avec soin, de façon à porter de bons fruits pour nous et pour nos frères.

Et nous ferons bien de ne pas oublier que nous sommes des semeurs. Dieu sème de bons grains, et ici aussi nous pouvons nous poser la question: quel genre de semence sort de notre cœur et de notre bouche? Nos paroles peuvent faire beaucoup de bien et aussi de mal; elles peuvent guérir et elles peuvent blesser; elles peuvent encourager et elles peuvent déprimer. Rappelez-vous: ce qui importe, ce n'est pas ce qui entre, mais ce qui sort de la bouche et du cœur.


Que la Vierge Marie nous apprenne, par son exemple, à accueillir la Parole, à la garder, et à la faire fructifier en nous et dans les autres.

mardi

Film : Un « Apôtre » de courage

Montrant les préjugés auxquels doivent faire face les convertis de l’islam, L’Apôtre a été primé au festival du film du Vatican.

Cheyenne-Marie Carron a vu son film L’Apôtre, récompensé le 3 juillet par la Capax Dei Foundation. Cette fondation, présidée par Liana Marabini, organise, sous le patronage du Conseil pontifical pour la culture, le festival de cinéma du Vatican Mirabile Dictu. C’est la cinquième année qu’a lieu ce festival. C’est aussi son cinquième film que réalise Cheyenne Carron. Le sujet en est brûlant, car il s’agit de la conversion d’un jeune musulman au christianisme. Le film ne cherche pas la polémique et évite tout prosélytisme déplacé. Le jeune Akim vit dans une famille française apparemment bien intégrée et tranquille. Lui et son frère Youssef se destinent à devenir imams. Ils participent régulièrement à la prière musulmane commune et suivent les enseignements islamiques.


Un assassinat a lieu dans le quartier : la sœur d’un prêtre est poignardée par un voisin. Le prêtre décide de continuer de résider auprès de la famille de l’assassin car il sent que cela les aide à vivre. Akim est interloqué d’une décision si peu naturelle. Son admiration pour l’attitude du prêtre va être son chemin d’accès à la découverte du Christ. Mais si lui trouve normal d’avancer sur cette voie, qu’il découvre lumineuse et pacifique, son frère Youssef, et toute sa communauté, ne l’entendent pas ainsi. Karim va découvrir ce qu’il en coûte de vouloir quitter l’islam.

Témoignages des protagonistes

L’Apôtre ne cherche nullement à dresser le christianisme contre l’islam. S’il montre l’attitude hostile des musulmans envers ceux d’entre eux qui veulent se convertir, c’est par un souci de vérité, dont Cheyenne-Marie Carron témoigne avec un évident courage. Mais elle le fait avec la volonté affichée de lutter contre les préjugés. Non pas d’abord les préjugés qu’on nous invite toujours à combattre, ceux que les Français de tradition chrétienne auraient à l’encontre des musulmans, mais bien ceux que les musulmans ont à l’encontre des chrétiens. Car c’est pour les musulmans que ce film est fait. Et s’il est douteux que la fin, trop irénique, les ébranle beaucoup, en tout cas la mise en relief de leurs a priori et de leur violence a de quoi les interpeller. Film de vérité et de justice, c’est aussi un film de courage et de paix.


Édouard Huber

lundi

Pédophilie : le coup de colère du pape François contre «la terrible obscurité de l'Église»

En recevant lundi, six victimes de prêtres pédophiles au Vatican avec qui il a célébré la messe, le pape François a prononcé une homélie d'une rare violence contre les comportements de « complicité » d'une partie de la hiérarchie.

Le pape François à la différence de Benoît XVI ne cache pas ses colères. Lundi, devant six victimes de prêtres pédophiles, trois hommes et trois femmes (deux Allemands, deux Britanniques, deux Irlandais), il a prononcé une homélie d'une rare vigueur contre les comportements passés de l'Église en ce domaine. Il a dénoncé pour la première fois explicitement la «complicité» d'une partie de la hiérarchie. Et comme son prédécesseur il a une nouvelle fois demandé «pardon» aux victimes pour ces «abus exécrables» mais il a aussi soulevé deux sujets tabous jusque là.

Tout d'abord la «terrible tragédie» du «suicide» des… victimes: «Les morts de ces enfants si aimés de Dieu pèsent sur mon cœur et ma conscience, et sur celle de toute l'Église», a lancé le pape François reconnaissant que ces drames cachés, conséquences d'abus non reconnus, a rarement été regardés en face par l'Église.

La persistance, ensuite, des ravages durables, psychologiques et sociaux, éprouvées tout au long de la vie par ces enfants et leurs familles: «Ces souffrances sont la source d'une douleur émotionnelle profonde et qui souvent ne cesse pas», a dit François. «Beaucoup de ceux qui ont souffert de cette manière, a-t-il noté, ont trouvé réconfort dans la voie de l'addiction. D'autres ont expérimenté des difficultés relationnelles, avec les parents, les épouses et les enfants.»

Des faits «si longtemps dissimulés, camouflés»

François qui s'était encore peu exprimé sur ce dossier a donc dénoncé «la complicité inexplicable» d'une partie du clergé et de la hiérarchie «si longtemps dissimulés, camouflés», à l'égard des prêtres et des évêques pédophiles pour «ces crimes et péchés graves»: «Voilà mon chagrin et ma douleur pour quelques prêtres et évêques qui ont violé l'innocence de mineurs et leur propre vocation sacerdotale en les abusant sexuellement».


Il a alors demandé «humblement pardon» pour le mal fait aux victimes et à leurs familles mais aussi pour «les péchés d'omission d'une partie des chefs de l'Église qui n'ont pas répondu de manière adéquate aux dénonciations d'abus présentées par les familles et les proches de ceux qui étaient les victimes d'abus».

Comportement d'autant plus irresponsable de la part des évêques ou cardinaux concernés qu'il a mis «en danger d'autres mineurs qui se sont trouvés en situation de risque». Car jusque dans les années 2000 la pratique consistait à déplacer les prêtres ainsi mis en cause dans d'autres diocèses mais sans prévenir les communautés qui l'accueillaient du problème alors que les responsables savaient…

Évoquant cette loi du silence le pape François a remercié les victimes et leurs familles du «courage» qu'ils ont eu d'avoir fait sauter cette chape de plomb: «Vous avez fait la lumière sur une terrible obscurité dans la vie de l'Église».

«Pas de place dans l'Église pour ceux qui commettent ces abus»

Des «actes méprisables» donc qui sont comme un «culte sacrilège» dans l'esprit du pape parce que ces «petits garçons et petites filles» leur avaient été «confiés pour leur charisme sacerdotal qui devait les conduire à Dieu» mais «ils les ont sacrifiés à l'idole de leur concupiscence».

Développant cette même idée devant la presse dans l'avion qui le ramenait de Terre Sainte, le pape François avait alors comparé cette déviation à une «messe noire». Ce qu'il a appelé, hier, une «profanation de l'image même créée par Dieu»,


S'adressant, enfin, lundi, à tout le clergé, le pape dans la ligne de ses deux prédécesseurs, a donc promis qu'il «ne tolérerait aucun mal» fait à un mineur. Assurant: «Il n'y a pas de place dans l'Église pour ceux qui commettent ces abus, et je m'engage à ne pas tolérer que du mal soit causé à un mineur par un individu, qu'il soit religieux ou autre». Il a également prévenu les évêques et les cardinaux qui devront réagir avec «le plus grand soin» pour protéger les mineurs de tels abus. Sans quoi «ils devront rendre des comptes».

samedi

Pape François : "Une génération sans travail est une défaite pour l'humanité"

Le pape rencontre les jeunes du Molise et des Abruzzes, Rome, le 5 juillet 2014 

« Une génération sans travail est une défaite pour la patrie et pour l'humanité », affirme le pape François, invitant à « vaincre » le problème du chômage.

Au cours d'un emploi du temps chargé, il avait rendez-vous cet après-midi avec les jeunes, au sanctuaire de Castelpetroso où l'on vénère Notre Dame des douleurs, proclamée sainte patronne de la région par Paul VI en 1973. Jean-Paul II avait célébré une messe en ce lieu le 19 mars 1995.

La Vierge Marie y est apparue en 1888 à Fabiana Cicchino et Serafina Valentino : le corps de son Fils mort devant elle, la Vierge était à genoux, le regard tourné vers le ciel et les bras ouverts en signe d'offrande.

Arrivé en hélicoptère aux environs de 15h, le pape François a rencontré plus de 20.000 jeunes des diocèses des Abruzzes et du Molise, sur l'esplanade du sanctuaire. Coiffés de casquettes multicolores, habillés d'un tee-shirt blanc au logo de la rencontre – sur le thème "Dieu ne se lasse jamais de pardonner" – agitant avec enthousiasme des ballons de baudruches au couleurs du Vatican, les jeunes ont accueilli le pape en chantant « Jesus Christ you are my life ».

 Le pape a fait son entrée au milieu de la foule, debout dans une voiture découverte, saluant les jeunes en souriant, s'arrêtant pour embrasser et bénir des enfants, attrapant au vol des foulards qui lui étaient lancés.

Après s'être recueilli en privé dans le sanctuaire, tandis que les cloches sonnaient à toute volée, le pape est ressorti en prenant le temps de saluer des enfant et des personnes handicapées, derrière des barrières.

Rejoignant le podium, il a remercié les jeunes pour leur enthousiasme : « L'enthousiasme est contagieux », leur a-t-il dit, précisant le sens grec du mot : « l'enthousiasme, c'est avoir quelque chose de Dieu en soi ».

Il les a invités à ne pas craindre d'« aller de l'avant » car « un jeune ne peut pas rester immobile ». Mais il ne s'agit pas de devenir « des errants » : « la vie n'est pas faite pour tourner en rond mais pour marcher ».


Le pape les a mis en garde contre « la culture du provisoire », qui consiste à « faire des choix tout en en laissant d'autres portes ouvertes » pour changer éventuellement : « cela rend la tête dure et le coeur froid ».

Celui qui ne suit que ses désirs de l'instant vit la vie comme un « labyrinthe » : «  Si vous vivez comme cela, arrêtez-vous. Cherchez le fil pour sortir du labyrinthe », a exhorté le pape : « Il est triste, arrivé à un certain âge, de regarder sa vie et de voir qu'il n'y avait pas de définitif, d'unité... seulement du provisoire ».

Parabole du riche et du pauvre Lazare privé de travail, de soins et même de nourriture, ce que peuvent avoir les chiens du riche
L’être humain aspire pourtant à quelque chose de « définitif » : « aimer et être aimé ». En ce sens, la culture du provisoire « n'exalte pas sa liberté, mais le prive de son vrai destin ». « Ne vous laissez pas voler le désir de construire dans votre vie des choses grandes et solides ! », a insisté le pape.

« Le courage et l'espérance sont des qualités de tous, mais surtout des jeunes », a-t-il fait observer. « Ayez le courage de sortir de vous-mêmes et de mettre pleinement votre avenir en jeu avec Jésus », a-t-il poursuivi sous les applaudissements, en assurant : « Jésus n'enlève pas la liberté, au contraire il rend [les hommes] forts dans leur fragilité et leur permet d'être vraiment libres. »

A sa mort, les anges emportent l'âme de Lazare au Ciel
Le pape a conclu en invitant à « vaincre en communauté » le problème du chômage des jeunes : « Que ne se perde pas une génération !... Une génération sans travail, c'est une défaite pour la patrie et pour l'humanité », a-t-il affirmé, plaidant pour « la solidarité ».

Le pape devait ensuite rencontrer les détenus de la prison d'Isernia et des malades dans la cathédrale de la ville. Enfin, il ouvrira l'Année jubilaire consacrée à Célestin V à Isernia, avant de rentrer au Vatican.

Ce matin, le pape a réservé sa première visite au monde du travail, à l'Université du Molise à Campobasso. Puis il a célébré une messe en présence de quelque 80.000 personnes à l'ancien stade Romagnoli de Campobasso.

A son tour le riche décède, son âme est conduite par les démons en enfer, là où vont les injustes


Après la messe, il a salué un groupe de malades dans la cathédrale de Campobasso, et a déjeuné en compagnie des pauvres assistés par la Caritas locale.

jeudi

France : modification de la loi sur l'avortement

La liberté d'expression menacée

Rome, 3 juillet 2014 - Fondation Jérôme Lejeune 

La Fondation Jérôme Lejeune dénonce une « atteinte à la liberté d’expression » en France. Le Parlement français a en effet voté, le 26 juin, en dernière lecture, un projet de loi sur « l’égalité entre les femmes et les hommes » contenant des articles « aggravant » la législation sur l’avortement, proteste la Fondation Jérôme Lejeune : ces articles suppriment la notion de « situation de détresse » et « étendent à l’information » le « délit d’entrave à l’Interruption volontaire de grossesse » (IVG, avortement).



Voici l’analyse du projet de loi français publiée par la Fondation Jérôme Lejeune.

Supprimer la notion de « situation de détresse » : un véritable bouleversement

Le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, écrivait à propos de cette modification : « Sur le plan des principes c’est un véritable bouleversement, car ce qui est en jeu c’est la place que notre société accorde à la protection de la vie » (Interview dans La Croix du 20 décembre 2013).

Cette suppression de la « détresse » entraîne des changements profonds :

-  Elle inscrit l’avortement de convenance dans la loi au-delà de la banalisation de l’avortement déjà constatée dans la pratique et les esprits ;

-  Elle tend à faire de l’avortement un droit (alors que depuis 1975 l’avortement est une dérogation au principe fondamental du respect de l’être humain au commencement de sa vie, inscrit à l’article 16 du C.C) ;

-   Elle installe l’idée d’un droit à disposer de son corps qui fonde des revendications comme la GPA ou la prostitution ;

-   Elle légitime la logique de l’avortement eugéniste. La modification en cours est d’autant plus préoccupante que, comme le rappelle le Pr. Bertrand Mathieu, « il n’y aurait plus aucune condition mise au droit de recours à l’avortement au cours des 12 premières semaines, un délai durant lequel on dispose d’un nombre croissant d’informations sur le fœtus au travers du diagnostic prénatal ». L’IVG va se transformer en refus de l’enfant « à cause » de telle ou telle pathologie ou prédisposition, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cette évolution libérale-libertaire va brouiller les repères entre IVG et interruption médicale de grossesse (IMG) et l’IVG va devenir eugéniste.

Étendre à l’information le délit d’entrave : une atteinte à la liberté d’expression

Cette modification entraîne l’obligation pour les plateformes d’écoute et les sites spécialisés d’informer les femmes enceintes sur la possibilité d’avorter. Cette mesure ne correspond pas à une demande des femmes françaises.

En France en 2014, lorsqu’une femme s’interroge sur la poursuite de sa grossesse, elle sait qu’elle peut avorter. En revanche lorsqu’elle consulte des sites et des plateformes d’écoute, elle est en attente de solutions alternatives à l’avortement.  Cette disposition constitue une entrave à la liberté d’expression en ce qu’elle oblige à faire de la propagande en faveur de l’avortement.

Telle est bien la position de Najat Vallaut Belkacem, interrogée par La Chaîne Parlementaire, le 30 juin. A une jeune femme qui voudrait avorter, la ministre répondrait : « je la rassurerais, je lui dirais que la vie ne s’arrête pas là ; un enfant qui arrive alors qu’il n’est pas désiré est un enfant malheureux ».


La dictature du "bonheur" conduit à la mort.

De l’avortement à l’euthanasie

En France, l’avortement est l’étalon or duquel toutes les réformes sociétales sont comparées. Cet enjeu apparaît dans l’interview du Pr. Bertrand Mathieu (cité plus haut) : «Reléguer au second plan le respect de la protection de la vie n’est pas sans conséquence dans d’autres domaines. Si l’on devait s’acheminer vers une dépénalisation de l’euthanasie, la logique risquerait d’être la même au bout de quelques années : passer d’une « exception » justifiée par des conditions très particulières de souffrance et d’incurabilité, à un droit à part entière. »

mardi

Sainte Catherine de Sienne évoque la réforme des pasteurs

Extrait des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), religieuse tertiaire dominicaine, qui a été déclarée docteur de l’Église en 1970, par Paul VI.

La réforme des pasteurs
CHAPITRE XVII
Comment, dans les mauvais ministres, règne le péché de luxure.

Ma fille très chère, je t’ai donné un rapide aperçu de la vie de ceux qui appartiennent à la sainte Religion, et je t’ai dit comment, misérablement, ils demeurent dans l’Ordre, sous le vêtement des brebis, tout en n’étant que des loups ravisseurs. Je reviens maintenant aux clercs et aux ministres de la sainte Église, pour déplorer avec toi leurs péchés, qui découlent tous de ceux dont je t’ai déjà parlé à propos des trois colonnes du vice. Je te les montrai, une autre fois, en me plaignant à toi de leur impureté, de leur insatiable orgueil, et de leur cupidité qui leur fait vendre la grâce de l’Esprit-Saint.

Comme je te l’ai dit, ces trois vices sont étroitement unis, et leur fondement commun, c’est l’amour-propre. Tant que ces trois colonnes demeurent debout, tant qu’elles ne sont pas jetées à terre, par cette force, qui est l’amour de la vertu, elles suffisent à retenir l’âme immobile et obstinée dans tous les vices. Tous les vices, en effet, naissent de l’amour-propre, dont le premier-né est l’orgueil. L’homme orgueilleux est privé de l’amour de la charité, et l’orgueil le conduit à l’impureté et à l’avarice. Ces vices se relient ainsi l’un à l’autre, par une chaîne diabolique.

Considère encore, ma très chère fille, par quel orgueil, par quelle impureté, ils souillent leur corps et leur âme ! Je t’en ai déjà dit quelque chose, mais je veux t’en parler à nouveau, pour te faire mieux connaître la source de ma miséricorde, et t’inspirer une compassion plus grande pour ces malheureux.

Quelques-uns d’entre eux, sont tellement devenus démons, tellement possédés par l’amour de certaines créatures, qu’ils en sont comme hors d’eux-mêmes. Ce n’est pas assez, pour eux, de n’avoir plus aucun respect pour mon Sacrement, et de n’attacher plus aucun prix à la dignité dont les a revêtus ma Bonté. Exaspérés de ne pouvoir posséder, par eux-mêmes, l’objet de leurs coupables convoitises, ils recourent aux incantations du démon. Pour satisfaire leurs pensées impures et misérables pour réaliser leurs désirs, ils emploient à la composition de maléfices, le Sacrement que je vous ai donné comme une nourriture de vie.

Les pauvres brebis confiées à leurs soins, dont ils devraient nourrir les âmes et les corps, ils les tourmentent ainsi, par ces détestables moyens, et par d’autres encore, dont je t’épargnerai le récit, pour ne pas t’affliger davantage. Tu les as vues, ces pauvres brebis, affolées et comme hors d’elles-mêmes, sentir leur volonté fléchir sous les entreprises de ces démons incarnés, et en arriver à faire ce qu’elles ne voulaient pas ; et la violence qu’elles se faisaient à elles-mêmes, causait à leurs corps de cruelles souffrances.

Ces malheurs, quel en est le principe ? Leur vie impure et misérable. Il est bien d’autres maux encore que je pourrais dire ; mais, pourquoi te les rappeler ? Tu les connais.

O fille bien-aimée, la chair qui a été élevée au-dessus de tous les chœurs des anges par l’union de votre nature humaine à ma nature divine, voilà à quelles iniquités, ils la font servir !

O homme abominable, ô homme misérable, non pas homme, mais brute, cette chair que j’ai consacrée par mon onction sainte, tu la livres aux prostituées, et pis encore ! Cette chair, qui est tienne, elle avait été guérie, comme celle de toute la race humaine, de la blessure que lui avait faite le péché d’Adam, par le corps de mon Fils unique, meurtri et percé sur l’arbre de la très sainte Croix !

O malheureux ! Il t’a rendu l’honneur, et ta lui apportes la honte ! Il a guéri tes plaies par son sang, bien plus, il t’a fait ministre du Sang, et toi, tu le meurtris de tes péchés impurs et honteux ! Le bon Pasteur avait lavé ses brebis, dans son propre sang ! Toi, tu souilles celles qui sont pures, tu fais tout ce qui est en ton pouvoir, pour les jeter dans l’ordure ! Tu devrais être un miroir de pureté, tu es un modèle de débauche ! Tous les membres de ton corps, tu les fais servir à commettre le mal, et, dans toutes tes actions, tu t’appliques à contredire à ce qu’a fait ma Vérité.

J’ai souffert qu’on lui bandât les yeux, pour te donner la lumière, et toi, tes yeux lascifs lancent des flèches empoisonnées, mortelles pour ton âme et pour le cœur de ceux qui sont l’objet de tes regards criminels !

J’ai enduré qu’il fût abreuvé de fiel et de vinaigre, et toi, comme un animal glouton, tu cherches tes délices en des mets délicats, tu te fais un dieu de ton ventre ! Ta langue ne profère que des paroles déshonnêtes et vaines. Cette langue qui devrait être employée à redresser le prochain, à annoncer ma parole, à dire l’Office, en union avec le cœur, je n’en reçois que vilenies ; ce ne sont que jurements, mensonges, parjures, quand encore tu ne vas pas jusqu’à blasphémer mon nom !

J’ai supporté qu’on lui liât les mains pour te délivrer toi et toute la race humaine, des liens du péché. Tes mains, à toi, ont reçu l’onction, elles ont été consacrées pour administrer le très saint Sacrement, et toi, vilainement, tu les fais servir, ces mains, à des usages infâmes. Toutes les œuvres de tes mains sont corrompues, toutes sont ordonnées au service du démon.

O malheureux ! A quelle dignité pourtant ne t’avais-je pas élevé, en t’appelant, toi et toute créature raisonnable, à me servir, Moi seul ! J’ai voulu que les pieds de mon Fils unique fussent percés, pour te faire de son corps une échelle ; et, que son côté fut ouvert, pour te faire voir le secret du cœur.

Je l’ai disposé, comme un asile toujours ouvert, où vous pourrez connaître et goûter l’Amour ineffable que je vous ai, en trouvant et en contemplant ma Nature divine unie à votre nature humaine.

Il t’apprend ce cœur, que le Sang dont tu es le ministre, répandu comme un bain, doit purifier vos iniquités, et toi, tu as fait de ton cœur un temple du démon ! Ton affection, qui est signifiée par les pieds, n’enferme et ne peut m’offrir rien d’autre, que honte et bassesse ; elle ne conduit ton âme, que dans les repaires du démon.

Ainsi, tu emploies ton corps tout entier à meurtrir le corps de mon fils ! Sans cesse, tes actes sont en opposition avec les siens ; sans cesse, tu fais le contraire de ce que toi et toutes les créatures, êtes obligés de faire. Tous les organes de ton corps sont devenus des instruments de péché, parce que les trois puissances de ton âme ont été assemblées au nom du démon, alors que c’est en mon nom que tu les devais réunir.

Ta mémoire devait être remplie des bienfaits que tu as reçus de moi, et elle est toute pleine d’images impures et de mille autres indignités. L’œil de ton intelligence, tu le devrais fixer dans la lumière de la Foi sur le Christ crucifié, mon Fils unique, dont tu es devenu le ministre ; et, par une misérable vanité, il n’a d’attention que pour les plaisirs, les honneurs, les richesses du monde.

Ta volonté devait s’attacher à Moi, uniquement, m’aimer pour moi-même ; et, bassement, tu as placé ton amour dans les créatures, dans ton propre corps. Il n’est pas jusqu’à tes animaux, que tu n’aimes plus que moi ! La preuve, c’est ta colère contre moi, quand je t’enlève quelque cher objet de tes affections ; c’est ton irritation contre le prochain, quand tu crois en avoir reçu quelque dommage matériel. Tu le hais, alors, tu l’outrages, et tu te sépares de ma charité et de la sienne.

O infortuné ! A toi a été confié le service de ce Feu sacré qu’est ma Charité divine, et tu l’éteins en toi, en lui préférant ton propre plaisir, tes affections déréglées ! Tu ne peux supporter, pour elle, un léger préjudice que t’aura causé le prochain !

O ma fille très chère, voilà l’une de ces trois fatales colonnes du mal, dont je t’ai parlé.

CHAPITRE XX
De beaucoup d’autres péchés qui se commettent par orgueil et par amour-propre.

Tout ce que je t’ai dit, est pour te donner plus de sujet de pleurer amèrement sur l’aveuglement de ces prêtres, en te découvrant l’état de damnation dans lequel ils se trouvent. C’est aussi, pour te faire mieux connaître ma miséricorde, pour accroître encore ta confiance en cette miséricorde, pour t’amener à l’invoquer avec pleine assurance et à présenter devant moi, ces malheureux ministres de la sainte Église et l’univers entier, en me priant de leur faire miséricorde. Plus tu feras monter vers moi de vœux attristés et d’ardentes prières, plus tu me témoigneras l’amour que tu as pour moi.

Pour moi, personnellement tu ne peux rien, non plus que mes autres serviteurs : vous ne pouvez me servir que dans la personne de ces malheureux, et c’est à eux par conséquent que vous devez faire du bien. Je me laisserai vaincre alors par les désirs, par les larmes, par les prières de mes serviteurs, et je ferai miséricorde à mon Épouse, en la réformant par de bons et saints pasteurs.

La présence de bons pasteurs amènera naturellement la conversion des sujets, car ce sont les mauvais pasteurs, qui sont cause de presque tous les péchés que commettent les inférieurs.

S’ils se corrigeaient en effet, si l’on voyait briller en eux la perle de la justice, avec une bonne et sainte vie, le peuple ne serait pas ce qu’il est. Sais-tu quelle est la conséquence de tous ces désordres ? C’est que l’un suit les traces de l’autre. Pourquoi les sujets n’obéissent-ils pas ? Parce que le prélat, quand il était sujet, n’obéissait pas lui-même à son prélat. Il reçoit à son tour ce qu’il a donné. Il fut un mauvais inférieur, il fait un mauvais pasteur.

La cause de tous ces péchés et de beaucoup d’autres, c’est l’orgueil, qui vient de l’amour-propre.

Ignorant et superbe il était, quand il était dans le rang ; beaucoup plus ignorant et superbe il est, maintenant qu’il est prélat.

Si grande est son ignorance, si profond son aveuglement, qu’il conférera le sacerdoce à un homme sans culture, sachant à peine lire, ignorant tout des fonctions sacerdotales, d’une telle incapacité que souvent il ne pourra même pas consacrer parce qu’il ne connaît pas bien les paroles sacramentelles. Ce prêtre, ordonné dans ces conditions, sera donc exposé à tomber par ignorance en ce péché que d’autres commettent par malice, en faisant semblant de consacrer tout en ne consacrant pas.

Les pasteurs sont tenus, pourtant, de ne choisir que des hommes expérimentés, d’une vertu éprouvée, possédant la science, et l’intelligence des paroles et des rites du saint ministère.

Et voilà que par un renversement des choses, ceux-ci ne regardent ni à la science, ni à l’âge : ils ne tiennent compte que de leur propre affection : aujourd’hui, paraît-il, ce ne sont pas des hommes mûrs qu’ils consacrent, ce sont des enfants qu’ils choisissent. Qu’importe qu’ils soient de bonne et sainte vie, qu’ils soient instruits de la nature de cette dignité qui leur sera conférée, et du grand mystère qu’ils auront à accomplir ? On ne pense qu’à multiplier la famille sacerdotale, non à multiplier la vertu.

Aveugles, rassembleurs d’aveugles, ils ne voient pas que moi je leur demanderai compte de ces actes et de beaucoup d’autres, à leur dernier jour. Après avoir fait des prêtres si ignorants de tout, ils ne leur en confient pas moins le soin de conduire les âmes, alors qu’ils voient bien pourtant qu’ils ne sont même pas capables de se conduire eux-mêmes. Comment donc ceux qui ne peuvent discerner dans leur propre vie ce qui est mal, pourront-ils le découvrir dans les autres pour le corriger. Ils ne le peuvent pas et ils ne le voudraient pas faire, pour ne point se condamner eux-mêmes. Et les brebis, qui n’ont pas de pasteur, qui veille sur elles et les sache conduire, s’égareront facilement ; et, souvent, elles seront dévorées et déchirées par les loups.

Le mauvais pasteur ne se soucie guère d’avoir un bon chien qui aboie au loup : ils en ont un qui leur ressemble. Ces ministres et ces pasteurs, sans zèle aucun pour leurs âmes, n’ont point à leur service le chien de la conscience ; ils n’ont pas à la main le bâton de la justice. Aussi ne corrigent-ils point avec la verge ; le chien de la conscience reste muet ! Il n’aboie plus, pour les reprendre eux-mêmes dans le secret de leur âme, ou rappeler les brebis égarées hors du sentier de la vérité, dés qu’elles n’observent plus mes commandements. Ils ne s’emploient plus à les ramener dans le chemin de la vérité et de la justice, hors des atteintes du loup infernal. Si ce chien faisait entendre son aboiement, si la verge de la sainte justice s’abattait sur leurs égarements, les brebis rebrousseraient chemin pour revenir au bercail. Mais le berger est sans bâton et sans chien ; et ses brebis périssent, sans qu’il en ait cure. Le chien de la conscience ne peut plus donner de la voix, tant il est débile, parce qu’il a été privé de sa nourriture. Car il faut le nourrir le chien ; et l’aliment qu’il lui faut, c’est la chair de l’Agneau mon Fils. Quand la mémoire, qui est comme le réservoir de l’âme, est pleine de ce sang, la conscience s’en nourrit. Le souvenir de ce sang enflamme l’âme, de la haine du vice et de l’amour de la vertu.

Cette haine et cet amour purifient l’âme de la souillure du péché mortel et donnent vigueur à la conscience préposée a sa garde. Dès que quelque ennemi de l’âme, quelque péché mortel menace d’en franchir le seuil, avant même d’avoir subi son attrait, à la première pensée du mal, aussitôt la conscience est en éveil, son avertissement est comme l’aboiement du chien de garde, qui empêche de commettre l’injustice. Car celui qui a la conscience, possède la justice.

C’est pourquoi ces êtres d’iniquité, indignes d’être appelés mes ministres, et même des créatures raisonnables, puisque leurs vices ont fait d’eux de simples animaux, n’ont plus à leur service ce chien, peut-on dire : car il est tellement débile qu’il n’est plus d’aucun secours, et ils ne possèdent pas, non plus, le bâton de la sainte justice.

Leurs vices les ont rendus tellement craintifs que leur ombre même leur fait peur ; crainte, qui n’est pas sainte, en vérité, mais toute servile. Ils devraient être prêts à supporter la mort pour arracher les âmes des mains du démon, et c’est eux qui les lui livrent, en ne leur procurant pas l’enseignement d’une bonne et sainte vie et en ne voulant pas même s’exposer pour leur salut à la moindre parole injurieuse.

Maintes fois, ce ministre se trouvera en présence d’une âme à lui confiée, et qui traîne la chaîne de lourdes fautes.

Cette âme a de graves obligations de justice vis-à-vis d’autrui, et cependant, par un amour désordonné pour les siens, pour ne pas dépouiller sa famille, elle n’est pas disposée à s’acquitter de cette dette. Le fait est connu de beaucoup de gens ; ce malheureux prêtre ne peut pas l’ignorer ; on est même venu lui exposer cette situation, afin que, en sa qualité de médecin - ce qu’il doit être,- il puisse donner à cette âme, les soins que réclame son état. Ce pauvre ministre se rendra auprès d’elle, avec l’intention de faire ce qui doit être fait, mais le premier mot malsonnant, le moindre regard menaçant suffisent a lui ôter tout son courage il n’insistera plus. Parfois, on lui fera un cadeau.

Bien pris désormais entre le présent accepté et la crainte servile, il laissera cette âme comme il l’avait trouvée, aux mains du démon, et il lui donnera le Sacrement, le corps du Christ mon Fils unique. Il voit pourtant, il sait que cette âme est plongée dans les ténèbres du péché mortel ; mais il ne veut pas déplaire aux gens du monde, il est dominé par une crainte désordonnée, il est séduit par le présent qu’on lui a fait ; il administre les sacrements à ce pécheur public qui va mourir, et il l’ensevelit en grande pompe avec tous tes honneurs ecclésiastiques, alors qu’il aurait dû le jeter hors de l’Église comme un animal, comme un membre retranché du corps.

Quel est donc le principe d’une semblable conduite ? L’amour-propre et l’exaltation de l’orgueil S’il m’avait aimé, Moi, par-dessus toute chose s’il avait aimé l’âme de ce pauvre malheureux il fût demeuré humble et n’eût plus eu peur, il aurait cherché à sauver cette âme.

Tu vois combien de maux ont leur fondement, dans ces trois vices, que je t’ai donnés comme les trois colonnes où s’appuient tous les autres péchés : l’orgueil, l’avarice, l’impureté de l’esprit et du corps. Tes oreilles ne pourraient entendre toutes les iniquités que commettent ces membres du démon.

N’as-tu pas vu toi-même, où les entraînent parfois leur orgueil, leur luxure et leur avarice ? Il se rencontre quelques âmes trop simples, mais de bonne foi, dont l’esprit est troublé par la crainte d’être possédées du démon.

Elles vont trouver ce malheureux prêtre, dans l’espoir qu’il les pourra délivrer et qu’un démon chassera l’autre. Son avidité commencera par recevoir un présent, et ensuite, donnant libre cours à sa lascivité brutale, il dira à cette pauvre âme : « Le tourment dont vous souffrez ne peut être apaisé qu’à une condition ». - Et il l’amènera ainsi à pécher avec lui.

O démon, plus que démon ! car tu es devenu pire que démon ! Beaucoup de démons, en effet, n’ont que dégoût pour ce péché, tandis que toi tu t’y vautres, comme le pourceau dans la boue.

O animal immonde, est-ce donc là ce que je suis en droit d’attendre de toi ! C’est pour chasser des âmes le démon, par la vertu du Sang, que je t’ai fait le ministre du Sang, et toi tu introduis le démon dans les âmes ! Ne vois-tu pas que déjà la hache de la divine Justice est à la racine de ton arbre ? Et tes iniquités, je t’en préviens, seront punies avec usure, en temps et lieu, si tu ne les châties toi-même, par la pénitence et par la contrition du cœur. Je n’aurai pas d’égard pour toi, parce que tu es prêtre !

Tu seras punis sévèrement, pour tes crimes, et pour ceux que tu auras fait commettre. Tu seras châtié, plus cruellement que les autres. Tu essayeras alors de chasser le démon, par le démon de la concupiscence !

Et celui-là, non moins misérable, qui se rend auprès d’une pauvre âme pour l’absoudre et la délivrer des liens du péché mortel, et qui par ses suggestions l’amène à commettre le mal avec lui ! Il la laisse chargée de plus lourdes chaînes et plus honteuses que celles dont il devait la libérer.

Si tu t’en souviens bien, tu as vu de tes propres yeux, la pauvre créature ainsi trompée. N’est-ce pas là un pasteur qui n’a plus avec lui le chien de la conscience ? Et non seulement il a étouffé la sienne, il tente encore de faire taire celle des autres.

Je leur ai confié la charge de chanter et de psalmodier, la nuit, l’office divin. Eux, au contraire, recourent aux maléfices et aux incantations démoniaques pour que le démon leur procure, la nuit, la visite de ces créatures qu’ils aiment si bassement. Et ils croiront qu’elles sont venues ; mais ils sont le jouet d’une illusion.

O malheureux, je t’avais choisi pourtant pour passer dans la prière les veilles de la nuit, et te disposer ainsi, le matin venu, à célébrer le sacrifice ! Tu devais répandre sur le peuple l’odeur de la vertu et non l’infection du vice ! Je t’ai élevé à l’état des anges, pour te permettre, dès cette vie, de converser avec les anges, par la sainte méditation, afin qu’au dernier jour tu puisses jouir de moi-même dans leur compagnie ; et toi, tu mets tes délices à être un démon, à converser avec les démons, et c’est ainsi que tu te prépares à l’instant de la mort ! La corne de ton orgueil a crevé, dans l’œil de ton intelligence, la pupille de la très sainte foi tu as perdu la lumière, et tu ne vois plus en quelle misère tu es tombé !

Tu ne crois donc pas que toute faute est punie, et toute bonne action récompensée. Si tu le croyais vraiment, tu agirais autrement ; tu ne rechercherais pas, tu ne voudrais pas un pareil commerce ; son nom même te serait odieux, et tu ne pourrais l’entendre prononcer sans épouvante.

Mais puisque c’est sa volonté que tu suis, puisque c’est dans son œuvre que tu mets ton bonheur, ô deux fois aveugle que tu es, demande donc au démon, je t’en prie, quelle récompense il te réserve pour le service que tu lui rends. Il te répondra qu’il donnera ce qu’il possède lui-même. Il ne peut rien t’offrir que les cruels tourments, que le feu dans lequel il brûle éternellement et où, des hauteurs des cieux, l’a précipité son orgueil.

Toi, ange de la terre, ta superbe t’a fait choir aussi de la sublimité du sacerdoce et des sommets de la vertu, dans un abîme de misères, et si tu ne renonces pas à tes crimes, tu rouleras jusqu’aux profondeurs de l’enfer.

Tu as fait de toi-même et du monde ton seigneur et ton dieu. Tu as joui du monde, en cette vie : ta propre sensualité s’est gorgée de ses plaisirs, ô prêtre, que j’avais revêtu du sacerdoce, pour mépriser le monde et ta propre sensualité ! Eh bien ! maintenant, dis donc au monde, dis donc à ta sensualité, de plaider pour toi devant moi, le Juge souverain ! Ils te répondront qu’ils ne peuvent t’être d’aucun secours ; ils se riront de toi ; ils diront que tu as bien mérité ton sort, qu’il est juste que tu demeures confondu et réprouvé, devant Moi et devant le monde.

Tu ne vois pas ton malheur, parce que, je te l’ai dit, la corne de ton orgueil t’a aveuglé. Mais tu le verras, au moment de la mort, alors que tu ne trouveras en toi-même aucune vertu pour éviter la damnation ; il n’en est point d’autre, en effet, que dans ma miséricorde, et dans l’espérance de ce sang précieux, dont je t’ai fait le ministre. Tu ne seras pas privé de cette assistance, pas plus que les autres, pourvu que tu veuilles espérer dans le Sang et dans ma Miséricorde. Mais nul ne doit être assez fou ni assez aveugle, pour attendre ce dernier moment.

Songe, qu’à cette heure dernière, le démon, le monde, la sensualité propre, accusent l’homme qui a vécu dans l’iniquité. Ils ne le trompent plus ils n’essayent plus de lui faire trouver la douceur là où il n’y a que de l’amertume, le bien où il n’y a que mal, la lumière où il n’y a que ténèbres, comme ils avaient accoutumé de faire pendant sa vie ; ils lui découvrent la vérité telle qu’elle est. Le chien de la conscience, jusque-là muet, commence à aboyer avec tant de violence, qu’il réduit l’âme presque au désespoir.

C’est là l’extrême péril qu’il lui faut éviter, en recevant avec confiance le Sang, malgré tous les crimes qu’elle a commis ; car ma Miséricorde, qu’il reçoit par le Sang, est incomparablement plus grande que tous les péchés qui se commettent dans le monde.

Mais, je le répète, que personne ne diffère jusqu’à ce dernier instant ; car c’est une chose terrible pour l’homme, que de se trouver désarmé sur le champ de bataille, au milieu de tant d’ennemis.

CHAPITRE XXI
De beaucoup d’autres péchés que commettent les mauvais pasteurs.

Voilà ce qu’oublient, ma fille très chère, les malheureux dont je t’ai parlé. S’ils y pensaient, ils ne se laisseraient pas aller à tant de crimes, et les autres non plus. Ils marcheraient sur les traces de ceux qui vivaient dans la vertu, et eussent préféré mourir plutôt que de m’offenser, plutôt que de défigurer leur âme, et de porter atteinte à la dignité dont je les avais investis. Ils augmentaient au contraire, ces justes, la dignité et la beauté de leur âme.

Non que, en vérité. la dignité du sacerdoce puisse être accrue ou diminuée, en elle-même, par les mérites ou les fautes personnels des prêtres ; mais les vertus n’en sont pas moins une parure, dont ils peuvent orner leur âme et ajouter ainsi à la beauté qu’elle a reçue dès son origine, quand je la créai à mon image et ressemblance. Ceux-là connaissaient la vérité de ma Bonté, la beauté de leur âme et leur dignité, parce que l’orgueil et l’amour-propre ne les avaient point aveuglés, et privés de ce qui est la lumière de la raison. Dans cette lumière ils m’aimaient, Moi, et ils aimaient le salut des âmes. Mais, les pauvres malheureux, qui ont perdu cette lumière, vont de crime en crime, tranquillement, sans un remords, jusqu’au bord de la fosse. Du temple de leur âme, de la sainte Église qui est un jardin, ils ont fait un repaire d’animaux.

O très chère fille, quelles abominations il me faut souffrir ! Leurs maisons devraient être l’asile de mes serviteurs et des pauvres. Ils devraient n’y avoir d’épouse que leur bréviaire et d’enfants que les livres de la sainte Écriture : c’est dans cette compagnie qu’ils devraient se complaire, pour procurer au peuple la doctrine et lui donner l’exemple d’une sainte vie ! Et leurs demeures sont devenues le réceptacle du désordre, elles sont ouvertes aux personnes d’iniquité ! Vois-le ce prêtre ! Ce n’est pas le bréviaire qui est son épouse, ou il ne le traite que comme une épouse adultère. Une créature du démon a pris sa place et vit avec lui dans le crime. Ses livres, vois-les, c’est la troupe de ses fils ; au milieu de ces enfants, fruits de la faute, fruits de son péché, il se sent heureux, sans penser à en rougir.

Les solennités pascales et autres jours de fêtes, où il est tenu de rendre honneur et gloire à mon nom, par l’office divin, et de faire monter vers moi l’encens d’humbles et ferventes prières, il les passe au jeu, à se divertir avec les créatures du démon, à se distraire avec les séculiers, à la chasse ou à la pipée, comme un laïc et un homme de cour.

O malheureux homme i Où en es-tu arrivé ! Ce sont les âmes que tu devais poursuivre et prendre pour l’honneur et la gloire de mon nom ! C’est dans les jardins de la sainte Église que tu devais demeurer, et tu cours les bois ! Tu es devenu bête toi-même, tu entretiens dans ton âme une foule d’animaux qui sont tes nombreux péchés mortels, voilà pourquoi tu t’es fais oiseleur et chasseur de bêtes ! Le jardin de ton âme est passé à l’état Sauvage, il est devenu un fourré d’épines. C’est pour cela que tu te plais à courir, par les lieux déserts, à la poursuite des bêtes des forêts.

Rougis donc, ô homme ! Considère tes crimes de quelque côté que tu regardes, tu as de quoi rougir ! Mais non, tu es inaccessible à la honte, parce que tu as perdu la véritable et sainte crainte de Moi !

Comme une courtisane sans pudeur, tu te vantes d’occuper une grande situation dans le monde, d’avoir une belle famille, une troupe nombreuse d’enfants ! Si tu n’en as pas, tu cherches à en avoir, pour laisser des héritiers de ta fortune. Mais tu n’es qu’un bandit, tu n’es qu’un voleur ! Tu sais bien que tu ne peux leur laisser ces biens et que tes héritiers ce sont les pauvres et la sainte Église.

O démon incarné ! esprit sans lumière, tu cherches ce que tu ne dois pas chercher ; tu te flattes, tu es fier de ce qui devrait te couvrir de confusion et te faire rougir devant moi, qui vois le fond de ton cœur. Les hommes eux-mêmes te méprisent, mais les cornes de ton orgueil t’empêchent de voir ta honte !


O très chère fille, je l’avais placé, ce prêtre, sur le pont de la doctrine et de ma Vérité, pour qu’il vous administrât à vous, les voyageurs, les sacrements de la sainte Église. Et le voilà qui est descendu en dessous du pont, il est entré dans le torrent des plaisirs et des misères du monde. C’est là qu’il exerce son ministère, sans s’apercevoir que le flot de la mort va le prendre et l’emporter avec les démons, ses maîtres, qu’il a si bien servis. Il se laisse ainsi aller, sans résistance, au fil de l’eau, dans le courant du fleuve. S’il ne s’arrête, c’est à l’éternelle damnation qu’il va, avec tant de charges et d’accusations contre lui, que ta langue ne le pourrait dire. Plus lourde est sa responsabilité que celle de tout autre. Aussi, la même faute est-elle punie plus sévèrement en lui que dans les hommes du monde. Plus impitoyable aussi est l’accusation que ses ennemis font peser sur lui, quand, au moment de la mort, ils se dressent pour lui reprocher sa vie, comme je te l’ai dit.

Saint Bernard de Clairvaux et les mauvais pasteurs

Voici une homélie percutante, comme seuls les véritables saints savent en produire. Et bien qu’ayant été écrite et prononcée au 12e siècle par le célèbre abbé de Clairvaux, cette homélie n’a pas pris une seule ride. (Source : Sermon 77, sur le Cantique des Cantiques)
 
   
Or ça, nous sommes à notre poste ; nous avons vu hier quels sont les conducteurs que nous souhaiterions avoir dans les chemins où nous marchons, mais non pas quels sont ceux que nous avons. Ils sont bien différents des premiers. Tous ceux que vous voyez aujourd’hui autour de l’Épouse et comme à ses côtés, ne sont pas amis de l’Époux. Il y en a très peu parmi eux qui ne cherchent point leurs propres intérêts. Ils aiment les présents, et ils ne peuvent pas aimer également Jésus-Christ, parce qu’ils ont donné les mains aux richesses. Voyez comment ils sont : brillants et parés, vêtus comme une épouse qui sort de la chambre nuptiale. Si vous en voyez un de cette sorte venir de loin, ne le prendriez-vous pas plutôt pour l’Épouse que pour un gardien de l’Epoux. Mais d’où croyez-vous que leur vie eût cette abondance de toutes choses, cette magnificence dans les habits, ce luxe de table, ces monceaux de vaisselle d’or et d’argent, sinon des biens de l’Épouse. Voilà pourquoi elle est pauvre, indigente, et pourquoi elle a un extérieur si misérable, si négligé, si pâle et si défait. Certes, ce n’est pas là aimer l’Épouse, mais la dépouiller ; ce n’est pas la garder, mais la détruire ; ce n’est pas la défendre, mais l’exposer ; ce n’est pas l’instituer, mais la prostituer ; ce n’est pas paître le troupeau, mais c’est le maltraiter, le dévorer. Selon cette parole du Seigneur : « Ils dévorent mon peuple comme ils feraient d’un morceau de pain » (Psal. XIII, 4). Et : « Ils ont dévoré Jacob et désolé sa demeure » (Psa. LXXVIII, 7). Et dans une autre prophétie : « Ils mangeront les péchés de mon peuple » (Isa. V, 8), c’est-à-dire, ils exigent le prix des péchés, et ils n’ont pas soin des pécheurs. Qui trouverez-vous, parmi ceux qui sont préposés au gouvernement de l’Église, qui ne songe pas plutôt à vider la bourse, qu’à extirper les vices de ceux qui lui sont soumis ? Où sont ceux qui fléchissent la colère de Dieu par leurs prières, qui apprennent aux âmes à ménager les miséricordes du Seigneur ? Encore, ne parlons-nous que des moindres maux, ils en font de beaucoup plus grands, dont ils seront bien sévèrement punis.


   Mais c’est en vain. Cessons de leur parler, puisqu’ils ne nous entendent pas. Et quand même ce que nous disons serait mis par écrit, ils dédaigneront de le lire ; ou s’ils le lisent, ils se fâcheront contre moi, quoiqu’ils devraient bien plutôt se fâcher contre eux-mêmes. Laissons donc ces hommes, qui ne trouvent pas l’Épouse, mais qui la vendent, et considérons plutôt ceux par qui l’Épouse dit qu’elle a été trouvée. Ceux d’à présent ont bien hérité de leur ministère, mais non pas de leur zèle. Tous désirent leur succéder, mais peu les imiter. O qu’il serait à souhaiter qu’ils fussent aussi vigilants à s’acquitter des fonctions de leurs charges, qu’ils sont ardents à briguer leurs chaires. Si cela était, ils veilleraient avec bien plus de soin qu’ils ne le font à garder celle qu’ils ont trouvée, et qui leur a été commise. Ou plutôt ils veilleraient sur eux-mêmes, et ne donneraient pas sujet de dire d’eux. : « Mes amis et mes proches se sont approchés de moi pour me combattre » (Psal. XXXVII, 12). Cette plainte est sans doute très-juste, et elle ne peut plus justement convenir qu’à notre siècle. Nos sentinelles ne se contentent pas de ne nous point garder, elles nous perdent. Car ensevelies dans un profond sommeil, elles ne s’éveillent point au tonnerre des menaces du Seigneur, pour redouter au moins leur propre péril. De là vient qu’étant impitoyables pour elles-mêmes, elles n’ont garde d’avoir de la pitié pour ceux qui leur appartiennent, elles les font périr, et périssent avec eux.

Saint Augustin dénonce les mauvais pasteurs

La mission confiée par le Christ à ses disciples exige beaucoup de dévouement. Hélas, certains pasteurs, dénonce Saint Augustin (354-430), « conduisent les brebis du Christ pour les soumettre à eux-mêmes plutôt qu’au Christ ». Le texte qui suit, extrait de l’office des lectures du 6 décembre (Fête de la saint Nicolas, patron des enfants), est tiré du Commentaire de Saint Augustin sur l’Évangile de Jean 123, 5.

Le Seigneur commence par demander ce qu’il savait ; et non pas une fois, mais deux et trois fois : est-ce que Pierre l’aime ? Et autant de fois il entend Pierre affirmer son amour, autant de fois il charge Pierre de conduire ses brebis. La triple confession compense le triple reniement, pour que la bouche ne serve pas moins à l’amour qu’à la peur, et que la mort menaçante ne paraisse pas avoir provoqué plus de paroles que la vie présente. Conduire le troupeau du Seigneur doit être la fonction de l’amour, puisque renier le berger fut l’expression de la peur. Ceux qui conduisent les brebis du Christ pour les soumettre à eux-mêmes plutôt qu’au Christ prouvent qu’ils n’aiment pas le Christ, mais eux-mêmes.

Cette parole du Christ, si souvent répétée, met en garde contre ceux-là, dont saint Paul déplore qu’ils cherchent leur intérêt personnel, non celui de Jésus Christ car en disant : « M’aimes-tu ? Sois le berger de mes brebis », il dit l’équivalent de ceci : Si tu m’aimes, ne songe pas à te nourrir, mais à nourrir mes brebis ; conduis-les comme étant à moi, non à toi ; cherche en elles ma gloire, non la tienne ; mon autorité, non la tienne ; mon bénéfice, non le tien ; ne sois pas dans la société de ceux qui appartiennent aux temps difficiles, qui s’aiment eux-mêmes, et qui ont tous les vices énumérés par saint Paul, en liaison avec ce principe de l’égoïsme. Donc, qu’ils ne s’aiment pas eux-mêmes, les bergers des brebis du Christ, qu’ils ne les nourrissent pas comme étant à eux, mais à lui. Le vice dont les bergers des brebis du Christ doivent se garder le plus, c’est de chercher leur intérêt personnel, non celui de Jésus Christ, et d’employer à servir leurs convoitises ceux pour qui le sang du Christ a été répandu.

L’amour du Christ, chez le berger de ses brebis, doit se développer en une ardeur spirituelle si grande qu’elle triomphe aussi de cette peur naturelle de la mort qui nous fait refuser de mourir, même quand nous voulons vivre avec le Christ. Si grande que soit notre horreur de la mort, la puissance de l’amour doit en triompher, cet amour dont nous aimons celui qui, étant notre vie, a voulu subir la mort pour nous. S’il n’y avait aucune difficulté ou bien peu à mourir, la gloire des martyrs ne serait pas si grande.


Pape François : le texte intégral de son interview romaine

Dans les colonnes du quotidien italien Il Messagero, le pape François a abordé des thèmes aussi variés que la corruption, la fonction d’évêque de Rome, le déclin actuel de la politique, le communisme, et la femme, « la plus belle chose que Dieu ait créée ». Il a longuement évoqué aussi la question de la foi en Asie, l’exploitation des enfants. Et, selon le Pape, nous nous trouvons dans " une nouvelle ère qui alimente la décadence morale, non seulement politique, mais aussi dans l'entreprise ou le contexte social. "

Voici le texte intégral de son entretien avec la journaliste Franca Giansoldati (Il Messagero) :

C’est le moment du match Italie-Uruguay. Saint Père, qui soutenez-vous ?
Moi, vraiment personne, j'ai promis à la présidente du Brésil de rester neutre !

Nous commençons par Rome ? 
Mais savez-vous que je ne connais pas Rome ? Songez que j’ai vu la chapelle Sixtine pour la première fois lorsque j’ai participé au conclave qui a élu Benoît XVI (en 2005, ndr). Je ne suis pas allé non plus dans les musées. Le fait est que, comme cardinal, je ne venais pas souvent à Rome. Je connais Sainte-Marie-Majeure car j’y allais toujours. Et aussi San Lorenzo hors les murs, où je me rendais pour les confirmations du temps de don Giacomo Tantardini. Je connais bien sûr la Piazza Navona parce que je résidais toujours via della Scrofa, là derrière. 

Y a-t-il  un peu de romain dans l’argentin Bergoglio ? 
Peu et rien. Je suis avant tout piémontais, ce sont les racines originelles de ma famille. Mais je commence à me sentir Romain, je désire aller visiter le territoire, les paroisses. Ainsi, je découvre petit à petit cette ville. Une ville magnifique, unique, avec les problèmes des grandes villes métropolitaines. Une petite ville possède une structure presque univoque; une métropole, en revanche, englobe sept ou huit villes imaginaires superposées, à différents niveaux. Au niveau culturel aussi. Je pense par exemple aux tribus urbaines de jeunes. C’est pareil dans toutes les métropoles. En novembre nous allons organiser  à Barcelone un congrès consacré justement à la pastorale des métropoles […] Des villes dans la ville. L’Eglise doit savoir répondre aussi à ce phénomène.

Pourquoi, dès le début, avez-vous tant tenu à souligner la fonction de l’Evêque de Rome ?
Le premier service de François, c’est celui-là : être l’Evêque de Rome. Tous les titres du Pape, Pasteur universel, Vicaire du Christ, etc., il les détient parce qu’il est Evêque de Rome. C’est la première élection. La conséquence de la primauté de Pierre. Si demain le Pape voulait être évêque de Tivoli, il est clair qu’on le rejetterait.

Il y a quarante ans, avec Paul VI, le Vicariat a promu la conférence sur les problèmes de Rome. Est apparue l’image d’une ville dans laquelle celui qui avait beaucoup, avait le meilleur ; et celui qui avait peu, avait le pire. Aujourd’hui, selon vous, quels sont les maux de cette ville ? 
Ce sont les maux des grandes villes, comme Buenos Aires. Il y a ceux qui, de jour en jour, accroissent leurs profits, et ceux qui s’appauvrissent. Je n’étais pas au courant de ce congrès sur les problèmes de Rome. Ce sont des questions très romaines, et j’avais alors 38 ans. Je suis le premier Pape à n’avoir pas pris part au Concile et le premier à avoir étudié la théologie après le Concile. Et, à l’époque, pour nous la grande lumière  était  Paul  VI. Pour moi, Evangelii Nuntiandi reste le document pastoral jamais dépassé. 

Existe-t-il  une hiérarchie des valeurs à respecter dans la gestion des affaires publiques ? 
Assurément. Toujours sauvegarder le bien commun. Telle est la vocation de tout homme politique. Un concept large qui englobe, par exemple, la protection de la vie humaine, de sa dignité. Paul VI faisait l’éloge de la politique « la forme la plus haute de la charité ». Aujourd'hui, le problème, c’est que la  politique - je ne parle pas seulement de l'Italie, mais de tous les pays - est discréditée,  ruinée par la corruption, par le phénomène des pots-de-vins. Il me vient à l’esprit un document que les évêques français ont publié il y a 15 ans. Une lettre pastorale intitulée : Réhabiliter la politique, qui abordait ce thème. S’il n’y a pas service à la base, on ne peut pas comprendre non plus l’identité de la politique. 

La corruption sent le pourri, avez-vous dit. Et aussi que la corruption sociale est le fruit d’un cœur fermé, pas seulement de circonstances extérieures. Il n’y aurait pas de corruption sans cœurs corrompus. Le corrompu n’a pas d’amis, mais des idiots utiles.Pouvez-vous mieux nous l’expliquer ?
J’ai parlé deux jours de suite de ce thème parce que je commentais la lecture de la Vigne de Naboth. Le premier jour, j’ai abordé la phénoménologie de la corruption, le deuxième jour comment finissent les corrompus. Le corrompu, de toute façon, n’a pas d’amis, seulement des complices.

Selon vous, si on parle autant de corruption, est-ce parce que les médias insistent trop sur la question, ou qu’il s’agit effectivement d’un mal endémique grave ? 
Non, hélas,  il s’agit d’un phénomène mondial. Il y a des chefs d’Etat en prison à cause de cela. J’y ai beaucoup réfléchi, pour parvenir à la conclusion que les maux se multiplient, surtout durant les changements d’époque. Nous ne vivons pas tant une époque de changements, qu’un changement d’époque. Il s’agit donc d’un changement de culture; et c’est précisément dans cette phase qu’émerge ce genre de choses. Le changement d’époque alimente la décadence morale, non seulement en politique, mais aussi dans la sphère financière ou sociale.

Les chrétiens non plus ne semblent pas briller par leur témoignage... 
C'est l'environnement qui favorise la corruption. Je ne veux pas dire que tous sont corrompus, mais je pense qu'il est difficile de rester un honnête homme dans la politique. Je parle du monde, pas de l’Italie. Parfois certaines personnes  voudraient faire les choses au clair, mais elles se trouvent en difficulté, c'est comme si elles étaient phagocytées par un phénomène endémique, à divers niveaux, transversal. Non que ce soit la nature de la politique,  mais parce que lors d’un changement d’époque, les pressions se sont plus fortes. 

Avez-vous plus peur de la pauvreté morale ou matérielle d’une ville ? 
 Les deux m’effraient. Quelqu’un qui a faim, par exemple, je peux l’aider à ce qu’il n’ait plus faim, mais s’il a perdu son travail et qu’il est au chômage, il s’agit d’une autre pauvreté. Il n’a plus de dignité. Il pourrait sans doute aller à  Caritas et ramener chez lui un paquet de nourriture, mais il vit là une pauvreté très grave qui lui ronge le cœur. Un évêque auxiliaire de Rome  m’a raconté que beaucoup de personnes vont dans les cantines ou les restos et, remplis de honte, ramènent en cachette la nourriture chez eux. Leur dignité se paupérise petit à petit, ils vivent dans un état de prostration.

Dans les rues de Rome on voit des petites filles de 14 ans  contraintes de se prostituer dans l’indifférence générale, tandis que dans le métro on assiste à la mendicité des enfants. Vous sentez-vous impuissant face à cette dégradation morale ? 
J’éprouve de la douleur, une énorme douleur. L’exploitation des enfants me fait souffrir. C’est pareil en Argentine. On emploie des enfants pour des travaux manuels parce qu’ils ont des mains plus petites. Mais les enfants sont victimes aussi d’abus sexuels, dans des hôtels. Un jour, on m’a averti qu’il y avait des petites filles de 12 ans prostituées dans les rues de Buenos Aires. Je me suis renseigné, et c’était exact. Cela m’a fait mal. Encore plus de savoir que s’arrêtaient  de grosses voitures conduites par un vieillard, qui pourrait être leur grand-père. Ils payaient la petite fille 15 pesos, avec quoi ils achetaient les déchets de la drogue. Pour moi, les personnes qui font cela à des petites filles sont des pédophiles. Cela arrive aussi à Rome. La Ville Eternelle, qui devrait être un phare pour le monde, est le miroir de la dégradation morale de la société. Je pense que ce sont des problèmes qui se résolvent avec une bonne politique sociale. 

Que peut faire la politique ? 
Répondre de façon claire. Par exemple avec des services sociaux qui suivent les familles pour comprendre, en les accompagnant pour les sortir de situations très difficiles.  Le phénomène traduit une déficience de service social dans la société.

Mais l’Eglise travaille dur... 
Et doit continuer à le faire. Il faut aider les familles en difficulté, un travail qui nécessite de plus en plus l’effort de tous.  

À Rome, de plus en plus de jeunes ne vont pas à l’église, ne font pas baptiser leurs enfants, ne savent même pas faire leur signe de croix. Que faire pour inverser cette tendance ? 
L'Eglise doit sortir dans la rue, aller à la rencontre des gens, visiter les familles, aller aux périphéries. Ne pas être une église qui se contente de recevoir, mais qui offre.

Et les prêtres ne doivent pas se tourner les pouces…
Evidemment. Nous sommes dans un temps de mission depuis une dizaine d’années. Nous devons insister 

Etes-vous préoccupé par la culture de la dénatalité en Italie ?
Je pense qu’il faut travailler davantage pour le bien commun des enfants. Fonder une famille est une tâche énorme, parfois le salaire n’est pas suffisant, on n’arrive pas à joindre les deux bouts. Les gens ont peur de perdre leur emploi ou de ne pas pouvoir payer le loyer. La politique sociale n’aide pas. L'Italie a un taux de natalité très bas, l’Espagne de  même. La France est un peu mieux, mais le taux est également faible. Comme si l'Europe avait assez d'être maman, préférant être grand-mère. Cela dépend beaucoup de la crise économique, et pas seulement d’une dérive culturelle marquée par l'égoïsme et l'hédonisme. L'autre jour, j'ai lu une statistique sur les critères de dépenses de la population à travers le monde. Après la nourriture, les vêtements et les médicaments, trois éléments nécessaires, viennent les cosmétiques et les dépenses pour les animaux domestiques. 

Les animaux comptent plus que les enfants ? 
Il s’agit d’un autre phénomène de dégradation culturelle. C'est parce que la relation affective avec les animaux est plus facile, plus programmable. Un animal n’est pas libre, tandis qu’avoir un enfant est un peu plus compliqué.   L’Evangile parle-t-elle davantage aux pauvres ou aux riches pour qu’ils se convertissent?  La pauvreté est au centre de l’Evangile On ne peut pas comprendre l’Evangile sans comprendre la pauvreté réelle, en considérant qu’il existe aussi une pauvreté, très belle, de l’esprit: être pauvre devant Dieu parce que Dieu te comble. L’Evangile s’adresse indistinctement aux pauvres et aux riches. Et il parle autant de pauvreté que de richesse. Il ne condamne pas en effet les riches, peut-être les richesses quand elles sont idolâtrées. Le Dieu argent, le veau d’or.

Vous passez pour être un Pape communiste, paupériste, populiste. The Economist qui vous a consacré une page de couverture,  affirme que vous parlez comme Lénine. Vous reconnaissez-vous dans ces modèles ?  
Je dis simplement que ce sont les communistes qui nous ont volé notre drapeau. Le drapeau des pauvres est chrétien. La pauvreté est au centre de l’Évangile.  Prenons Matthieu 25, le protocole sur lequel nous serons tous jugés: j'ai eu soif, j'ai eu faim, j'ai été en prison, j'étais malade, j'étais nu. Ou regardons les Béatitudes, une autre bannière. Les communistes disent que tout cela est communiste. Peut-être, mais avec vingt siècles de retard sur nous. Alors quand ils parlent ainsi, on pourrait leur dire: «  mais  alors, vous êtes chrétiens ! » (rires). 

Puis-je me permettre une critique...
Bien sûr... 

Vous parlez peut-être peu des femmes, et quand vous le faîtes,  vous abordez le sujet  uniquement du point de vue de la maternité, la femme épouse etc. Et pourtant les femmes d’aujourd’hui président des Etats, des multinationales, des armées. Au sein de l’Eglise, selon vous, quelle place occupent les femmes ? 
Les femmes sont la plus belle chose que Dieu ait créée. L’Eglise est femme, l’Eglise est un mot féminin. On ne peut pas faire de la théologie sans cette féminité. Vous avez raison, on ne parle pas assez de cela, on devrait travailler davantage sur la théologie de la femme. Je l’ai dit, et nous travaillons en ce sens. 

N’y a-t-il pas là une certaine misogynie? 
Le fait que la femme soit sortie d’une côte … (éclat de rire). Je plaisante. Je suis d’accord pour que l’on approfondisse davantage la question féminine, sinon on ne peut pas comprendre l’Eglise elle-même.  

En août, vous irez en Corée. Est-ce la porte de la Chine ? Ciblez-vous l’Asie ? 
J’irai en Asie deux fois en six mois. En Corée en août, pour rencontrer les jeunes asiatiques. En janvier au Sri Lanka et aux Philippines. L’Eglise en Asie est une promesse. La Corée représente beaucoup, elle a derrière elle une belle histoire, durant deux siècles elle n’a pas eu de prêtres et le catholicisme a progressé grâce aux laïcs. Elle a eu aussi des martyrs. Quant à la Chine, il s’agit d’un grand défi culturel. Enorme. Et il y a l'exemple de Matteo Ricci qui a fait beaucoup de bien ...

Où  va l’Eglise de Bergoglio ? 
Grâce à Dieu, je n'ai aucune église, je suis le Christ. Je n’ai rien fondé. Du point de vie du style, je suis resté tel que j’étais à Buenos Aires. Oui, peut-être une ou deux petites choses, parce qu’il le faut, mais changer à mon âge aurait été ridicule. Sur le programme, en revanche, je suis ce que les cardinaux ont demandé durant les congrégations générales précédant le conclave. Je vais dans cette direction. Le Conseil de huit cardinaux, un organisme externe, est né de là. Il avait été demandé pour aider à réformer la Curie. Chose par ailleurs pas facile du tout, parce qu’on fait un  pas, mais ensuite il faut faire ceci ou cela, et si avant il  y avait un dicastère, par la suite il y en a quatre. Mes décisions sont le fruit des réunions précédant le conclave. Je n’ai rien fait tout seul. 

Une approche démocratique ... 
Il s’est agi des décisions des cardinaux. Je ne sais pas si c’est une approche démocratique, je dirais plutôt synodale, même si le terme pour les cardinaux n'est pas approprié. 

Que souhaitez-vous aux Romains en cette la fête de Saint-Pierre-et-Saint-Paul, leurs  saints patrons ? 
Qu'ils continuent à être bons. Ils sont si sympathiques. Je le vois dans les audiences et quand je vais dans les paroisses. Je leur souhaite de ne pas perdre la joie, l'espérance, la confiance, malgré les difficultés. Le dialecte romain est beau aussi. 

Wojtyla  a appris à dire volemose bene, damose da fa'. Avez-vous appris une ou deux phrases en dialecte romain ? 
Pour l’instant peu. Campa e fa' campa' (Vis et laisse vivre, ndt.). (Naturellement, rires). 

Entrevue accordée  à Franca Giansoldati, Il Messaggero