Notre Dame des Douleurs
Stabat Mater
15 Septembre
La prophétie de Siméon et les sept douleurs de Marie
Les sept douleurs de Marie, méditation
biblique
L'épée dont parle Siméon, dans la culture juive, c'est
l'Ecriture sainte. Ce qui signifie que Marie a vécu la souffrance en se
nourrissant de la Parole de Dieu, « efficace et plus incisive qu'aucun glaive à
deux tranchants, elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme et de
l'esprit. » (Hébreux 4, 12).
Cette épée, c'est aussi la douleur pour Marie de voir que
Jésus, Parole du Père, est persécuté, rejeté. La croix de la contradiction
devient pour Marie une épée qui lui transperce l'âme.
De Marie, nous pouvons apprendre la vraie compassion, comme
participation au mystère pascal, dans l'accueil de la souffrance des autres
comme souffrance propre [1].
1° douleur : la prophétie de Siméon.
« Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère: "Vois! cet
enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël; il
doit être un signe en butte à la contradiction, -- et toi-même, une épée te
transpercera l'âme! -- afin que se révèlent les pensées intimes de bien des
cœurs." » (Luc 2, 34-35)
Le vieillard Siméon annonce à Marie que son fils sera en
butte à la contradiction (Lc 2,34-35).
Douleur : Jésus sera contrarié. Et cela est annoncé dans le
temple de Jérusalem, au centre du pays, au cœur de la vie religieuse du peuple
juif.
Un glaive traverse le cœur de Marie. La Vierge Marie souffre
en tant que fille de Sion, en tant que mère du prince de la paix universelle.
« Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut
atteigne aux extrémités de la terre. Ainsi parle YHWH, le rédempteur, le Saint
d'Israël, à celui dont l'âme est méprisée, honnie de la nation. » (Isaïe 49,
6-7)
2. Le massacre à Bethléem et la fuite en Égypte, la
souffrance de l'exil.
Giotto di Bondone Massacre des saints innocents Eglise de l'Arena de Padoue Fresque, 1303-1306 |
« Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur apparaît
en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa
mère, et fuis en Egypte; et restes-y jusqu'à ce que je te dise. Car Hérode va
rechercher l'enfant pour le faire périr." » (Matthieu 2, 13)
Douleur de la mort des innocents, douleur de l'injustice,
douleur d'être mêlés à l'injustice puisque l'élément déclencheur de la fureur
du tyran a été la naissance de Jésus, douleur d'être impuissant et de devoir
fuir pour protéger Jésus.
La souffrance de l'exil en Egypte est d'un autre genre,
c'est le fait d'être appauvri, étranger, citoyen de seconde zone, et de ne pas
pouvoir pratiquer certains rites religieux.
Dieu est innocent de l'injustice d'Hérode. Avec quelle
intensité Marie aura-t-elle prié par exemple ce psaume :
« Es-tu l'allié d'un tribunal de perdition, érigeant en loi
le désordre ? On s'attaque à la vie du juste, et le sang innocent, on le
condamne. Mais YHWH est pour moi une citadelle, et mon Dieu, le rocher de mon
refuge. » (Ps 94, 20-22)
3. La disparition de Jésus à douze ans. (Lc 2, 41-52)
« A sa vue, ils furent saisis d'émotion, et sa mère lui dit:
"Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois! ton père et moi, nous te
cherchons, angoissés." » (Luc 2, 48)
Douleur de l'absence inexpliquée de Jésus et l'angoisse à
son sujet.
Ce qui peut aussi être douloureux pour Marie en tant
qu'épouse, c'est de voir la douleur de Joseph. Leur douleur peut avoir été
augmentée par certaines réactions de l'entourage critiquant par exemple leur
manque de surveillance. Et finalement, ce qui est douloureux, c'est de ne pas
comprendre la réaction de Jésus au moment des retrouvailles.
Le glaive, la Parole de Dieu, a traversé le cœur de Marie.
Exemple :
« Dis-moi quelle a été ma transgression, mon péché? Pourquoi
caches-tu ta face et me considères-tu comme ton ennemi? » (Job 13, 22-24)
Cet évènement a eu lieu la fête juive de la Pâque, il est la
préfiguration du mystère pascal. Ici, le 3° jour, les parents retrouvent
l'enfant. Plus tard, le 3° jour, les disciples retrouveront Jésus ressuscité
.
4. Marie voit son fils chargé de la croix. (Lc 23,27)
« Ils l'emmenèrent pour le crucifier. En sortant, ils
trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, et le requirent pour porter sa
croix. » (Mt 27, 31-32)
Douleur morale de voir Jésus condamné, exclu, abandonné de
ceux qu'il a instruit et guéri. Douleur spirituelle de voir Jésus tomber.
« Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson
tout le jour. Il m'a saturé d'amertume, il m'a enivré d'absinthe. [...] Voici
ce qu'à mon cœur je rappellerai pour reprendre espoir : Les faveurs de YHWH ne
sont pas finies, ni ses compassions épuisées. » (Lamentations 3, 14-15 et
21-22)
Mais ce chemin de croix est montée vers le Père, Exode
nouveau...
5. Marie debout au pied de la Croix. (Jn 19,25-27)
« Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère. » (Jean
19, 25)
Douleur physique d'une mère qui voit souffrir le fils de ses
entrailles, le fils de sa chair. L'Evangéliste Matthieu transmet ce long cri de
Jésus, dans les termes du psaume 22 :
« Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Ps 22,
1)
La mère de Jésus se laisse transpercer par la Parole
biblique, véritable épée à deux tranchants ; et peut-être a-t-elle prié la
suite du psaume 22 :
« Je peux compter tous mes os, les gens me voient, ils me
regardent; ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, YHWH, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide. [...] J'annoncerai
ton nom à mes frères,en pleine assemblée je te louerai.» (Ps 22, 18-20 et 23)
6. Marie reçoit le corps inanimé de son Fils. (Jn 19,38-40)
Dieu n'a pas fait descendre Jésus de la croix. Jésus a connu
véritablement notre mort humaine. Marie en partage toute la douleur, et
puisqu'elle survit à son fils, elle souffre ensuite seule, sans son fils.
Le miracle de la Vierge de Syracuse versant des larmes. Phénomène surnaturel reconnu par l'Eglise Catholique |
« Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu
et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause
de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses
blessures nous trouvons la guérison. » (Isaïe 53, 4-5)
7. Marie au tombeau de Jésus. (Jn 19,41-42)
Douleur du deuil. Douleur des ténèbres qui désormais
recouvrent la terre puisque Dieu en a été chassé. Là encore, la Parole de Dieu
est vivante :
« Reviens, YHWH ! Jusques à quand ? Prends en pitié tes
serviteurs. » (Ps 90,13)
En réalité, comme le dit le catéchisme de l'Eglise
catholique : « La descente aux enfers est l'accomplissement, jusqu'à la
plénitude, de l'annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la
mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément
vaste dans sa signification réelle d'extension de l'œuvre rédemptrice à tous
les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont
sauvés ont été rendus participants de la Rédemption. » (CEC 634)
Epilogue : la lumière des nations, la mission.
La prophétie de Siméon annonçait non seulement que Jésus
serait un signe en butte à la contradiction, mais qu'il serait aussi la lumière
des nations (Lc 2, 32).
Si nous méditons la douleur, c'est parce qu'elle est le lieu
de la rédemption.
La mort de Jésus est suivie par sa résurrection et sa
seigneurie sur l'univers. Jésus est alors annoncé et reçu dans le monde entier.
Le destin de Paul et Barnabé, contredits dans la synagogue
d’Antioche, accompagne celui du Christ.
Le rejet va les conduire à la décision
de se tourner vers les nations. Selon les mots de Paul, cette décision est même
un ordre divin :
« Je t’ai établi lumière des nations pour que tu apportes le
salut aux extrémités de la terre. » (Ac 13, 47, citation de Isaïe 49, 6).
[1] Cf. J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus,
Flammarion, Paris 2012, p. 123
La Pietà, Vatican |
Stabat mater, texte et traduction
Stabat Mater dolorosa,
La mère douloureuse se tenait debout
juxta crucem lacrimosa,
Au pied de la croix en larmes.
dum pendebat filius
Tandis qu’on y suspendait son Fils.
Cujus animan gementem,
Dont l’âme gémissante
contristatam ac dolentem,
désolée et dolente
per transivit gladius
fut transpercée par le glaive
O quam tristis et afflicta,
O Combien triste et déchirée
fuit illa benedicta
fut cette âme bénie
Mater unigeniti
de la Mère du Fils unique
Quae mœrebat et dolebat,
Elle gémissait se désolait
et tremebat dum videbat
et tremblait à la vue
nati pœnas in clyti
des angoisses de son Fils divin
Quis est homo qui non fleret,
Quel homme n’aurait pleuré
Christi Matrem si videret,
en voyant la Mère du Christ
in tanto supplicio
subissant un tel supplice.
Quis non posset contristari
Qui aurait pu sans être consterné
piam Matrem contemplari
contempler la Mère du Christ
dolentem cum Filio ?
gémissant avec son Fils ?
Pro peccatis suæ gentis,
Pour les péchés de la race humaine
vidit Jesum in tormentis
elle vit Jésus dans les tourments
et flagellis subditum
subissant la flagellation
Vidit suum dulcem natum
Elle vit son doux enfant
Morientem desolatum
dans la désolation
dum emisit spiritum
à l’heure où il rendit l’esprit
Eja mater, fons amoris,
Mère source d’amour,
me sentire vim doloris
fais que je partage ta douleur
Fac ut tecum lugeam
et tes pleurs
Fac ut ardeat cormeum,
Fais que mon cœur s’enflamme
in amando Christum Deum
pour l’amour du Christ-Dieu
Ut sibi complaceam
afin que je lui complaise
Sancta Mater, istud agas,
Sainte Mère, fais aussi
Crucifix fue plagas,
que mon cœur s’unisse
cordi meo valide
aux souffrances du Crucifié
Tui nati vulnerari,
A ton enfant meurtri
Tam dignati
pro me pati,
que je suis digne de m’unir
Poenas mecum divude
afin qu’il partage avec moi ses peines
Fac me vere tecum flere
Permets qu’avec toi je pleure
Crucifixo condolere
pour souffrir avec le Crucifié
Donec ego vixero
et cela tant que je vivrai.
Juxta crucem tecum stare
Permets qu’au pied de la Croix près de toi
te libenter sociare
je m’associe à toi
in planctu desidero
au plus fort de ta douleur.
Virgo virginum prœclara
Vierge entre toutes choisie
mihi jam non sis amara
qu’à moi jamais douleur aussi amère
fac me tecum plangere
ne me soient infligée près de toi.
Fac ut partem Christi mortem
Fais que je porte en moi la mort du Christ
passionis fac consortem
qu’associé à sa passion
et plagas recolere
je revive ses souffrances
Fac me plagis vulnerari
Fais que blessé de ses blessures
Cruce hac inebriari
je sois enivré de sa croix
Oh amorem Filii
et du sang versé par ton Fils
Inflammatus et accensus
Pour que je ne brûle point des flammes éternelles
Per te,Virgo, sim defensus
ô vierge protégé,
in die judicii par toi,
je sois au jour du
jugement
Fac me cruce custodiri
Christ lorsqu’il me faudra sortir de ce monde
Morte Christi prœmuniri
permets que conduit par ta mère j’accède
Confoveri gratia
à la palme de la victoire
Quando corpus morietur
Quand mon corps mourra
Fac ut animae donetur
fais que soit donné à mon âme
paradisi gloria
la gloire du Paradis.