Présentation
C’est un privilège de présenter au grand public de langue française ce florilège judicieusement établi de textes du Magistère du Pape Jean-Paul II.
Le Saint-Père en effet, au cours des années d’un pontificat débordant d'activités, ne se contente pas de parcourir le monde à grandes enjambées. Il arpente en même temps les immenses domaines de l'activité humaine et le champ sans limites des sciences humaines et des sciences de la nature. Avec une fidélité créatrice, il puise dans le trésor inépuisable de la tradition bimillénaire de l'Église et scrute, avec une acribie pénétrante qui en renouvelle la lecture, les textes .fondateurs de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Les interventions de Jean-Paul II sont innombrables. La multiplication des textes et leur ampleur, comme la difficulté de les consulter, rendait souhaitable qu'un choix significatif en soit proposé dans un volume aisément abordable. Aussi faut-il remercier les éditeurs qui en ont pris l'initiative.
Tant de paroles en effet et tant d'écrits traversent le firmament médiatique de la modernité avec la rapidité et la caducité de l'éphémère. Entrer, à l'inverse, dans l'univers de pensée de Jean-Paul II, c'est retrouver, avec l'accent propre et inimitable de Karol Wojtyla, de vraies paroles nées de la fréquentation quotidienne de Dieu et des hommes, et prononcées avec la conviction du témoin et la décision de l'acteur conscient de remplir une mission inaliénable : n'affirmer, avec les mots d'aujourd'hui, ces vérités venues du fond des âges où l'humanité du Dieu fait homme en Jésus-Christ inspire un humanisme millénaire aujourd'hui menacé.
Ces Dix repères pour l'an 2000 (titre original du livre) expriment le meilleur de l'enseignement de l'Église du Christ, « experte en humanité », selon le mot de Paul VI, avec des mots choisis par son successeur Jean-Paul II pour répondre à nos interrogations et renouveler nos convictions, à l'épreuve d'une culture éclatée.
Cheminer avec un géant de la foi, à son pas montagnard, c'est peu à peu sortir du brouillard paralysant des vallées, et se trouver attiré et comme ébloui par la lumière des sommets. Jean-Paul II parcourt les chemins de crête avec l'assurance de qui les fréquente de longue date et y respire à pleins poumons un air pur et vivifiant. Il nous est salubre de le suivre dans cette randonnée sur les hauteurs, comme un premier de cordée, bien assuré de sa démarche, sans hésitation, ni sur le chemin à suivre et la direction à prendre, ni sur le sommet à rejoindre. Les précipices ne l'impressionnent pas, la fatigue ne ralentit pas sa marche, la conscience de sa responsabilité pour ceux qui le suivent l'aiguillonne.
Ces dix repères qui nous sont ici proposés sont autant de vraies paroles prononcées par Jean-Paul II à Rome et sur tous les chemins du monde qu'il parcourt inlassablement à la rencontre des femmes et des hommes de ce temps en marche vers le troisième millénaire.
Nul n'en sera surpris : le premier chapitre s'ouvre sur la foi. C’est la clé de lecture de tout le volume. Qui ne partage pas cette conviction croyante ne se trouve pas exclu, bien au contraire. Les toutes premières pages abordent le drame de l'athéisme, les rapports entre la foi et la raison, la science et la foi, avec le cas Galilée, l'amour de la vérité, et le courage qu'il requiert. Comme Pierre le Galiléen, Karol le Cracovien est toujours prêt à rendre compte de l'espérance qui l'habite, mais toujours avec douceur et respect (I P 3, 15). C'est dans cet esprit qu'il est allé plaider la cause de l’homme à la tribune des Nations-Unies à New York., pour appeler la nécessaire conjonction de toutes les bonnes volontés : « La confrontation entre la conception religieuse du inonde et la conception agnostique ou même athée, qui est l'un des signes des temps, pourrait conserver les dimensions humaines, loyales et respectueuses, sans porter atteinte aux droits essentiels de la conscience de tout homme ou toute femme qui vit sur la terre. »
Homme de foi, Jean-Paul II est homme d'Église. Le chapitre second médite le mystère de l'Église et aborde en toute clarté les questions les plus débattues aujourd'hui : la mission du pape, le ministère du prêtre et son célibat, les laïcs et tout particulièrement les femmes, l'Église et l'art, l'Église et la culture, l'Église et l'État.
Homme de foi, homme d'Église, Jean-Paul II est tout naturellement homme de prière. Le chapitre III nous plonge dans la profondeur de son intimité avec Dieu, la Vierge Marie, Thérèse de l'Enfant-Jésus et sa voie d'enfance spirituelle.
L'amour en est le secret. Et les textes se bousculent au chapitre IV, de l'amour de Dieu à l'amour des hommes, le sens profond de la sexualité, le respect du corps, la beauté de la famille, le drame du divorce, l'exaspération du féminisme, les problèmes démographiques, les menaces contre la vie, l'éducation des enfants.
Le chapitre V, véritable chapitre charnière, incarne ces convictions dans l'histoire, cette histoire tragique des hommes, traversée par la souffrance et la maladie, mais toute orientée vers la civilisation de l'amour et le triomphe assuré de la vie sur la mort par la résurrection des corps, avec le Christ.
Les quatre chapitres suivants projettent leur lumière sur les grandes réalités de cette histoire des hommes : le pourquoi du mal, le sens du travail humain, et le drame du chômage, le droit des peuples et le respect des minorités, la guerre et la paix.
Le dernier chapitre s'ouvre tout grand sur le dialogue œcuménique et interreligieux, avec le judaïsme et l'islam, dans l'esprit d'Assise. Son dernier mot est : dignité de la personne humaine et liberté.
Messager tout ensemble de Dieu et de l'homme - car pour Karol Wojtyla, c'est tout un -, le pape venu de loin nous entraîne au loin, vers le grand large, avec la lumière de la foi, la force de l'espérance, le dynamisme de l'amour, vers le troisième millénaire. Sa joyeuse annonce du Christ est un message de confiance en l'homme, qui monte par vagues successives des profondeurs de ses convictions, exprimées dans une pensée fermement charpentée. Sa parole simple et forte est un message d'amour et de liberté, de courage et de vérité, de justice et de paix. Son humanisme rompu au dialogue avec ses frères croyants et athées donne à sa démarche de foi un ton fraternel qui invite à l'entendre.
« N'ayez pas peur ! » fut son premier mot, alors qu'il inaugurait son ministère de Pape sur la place Saint-Pierre de Rome. Il l'a vécu de manière sanglante au soir du 13 mai 1981, sa soutane blanche tachée de sang sur cette même place Saint-Pierre bruissante de la rumeur joyeuse du peuple de Dieu. Car la parole de Jean-Paul II est la parole d'un homme libre, qui dérange, l'histoire l'atteste. Elle mine les idéologies, elle inquiète les politiques, elle déstabilise les empires. Elle libère au cœur des hommes d'immenses énergies. Elle ouvre au cœur des cultures un chemin de liberté. Au seuil du troisième millénaire, les points de repère que Jean-Paul II offre à notre réflexion sont autant de points d'ancrage pour l'action, tant il est vrai que l'avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d'espérer.
Paul Cardinal Poupard, Rome
I
La foi
« Pour pouvoir dire credo, "je crois",
il faut être prêt à l'abnégation
et au sacrifice.
Il faut aussi être prêt à se donner
avec un cœur généreux. »
Dans son enseignement sur la foi, Jean-Paul II constate la réalité de l'athéisme et du pluralisme des croyances dans la société moderne. Il est aujourd'hui difficile d'être croyants et de vivre en chrétiens convaincus. Sans entrer dans des débats intellectuels difficiles, mais avec la ténacité et la ferveur de l'apôtre, le pape rappelle en termes simples la nature de la foi et la nécessité de s'ouvrir à la révélation de Dieu en Jésus-Christ, telle que l'Église continue à la transmettre depuis son origine.
Jésus l'avait clairement affirmé : « La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, l'unique vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3). « Je suis la lumière venue en ce monde, afin que quiconque croit en moi ne reste pas dans les ténèbres » (Jn 12, 46). « Je suis la voie, la vérité et la vie. Personne ne vient au Père si ce n'est par moi » (Jn 14, 6). « Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. [...] Celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il apparaisse clairement que ses œuvres ont été faites en Dieu » (Jn 3, 17-21). C'est sur cette base que repose l'enseignement de Jean-Paul II.
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II
L'Eglise
De cette Église nous sommes membres et fils ;
par cette Eglise
nous sommes nés à la vie surnaturelle
dans le Baptême,
qui nous a unis à Jésus-Christ.
Nous devons donc aimer cette Eglise
comme notre Mère. »
II
L'Eglise
De cette Église nous sommes membres et fils ;
par cette Eglise
nous sommes nés à la vie surnaturelle
dans le Baptême,
qui nous a unis à Jésus-Christ.
Nous devons donc aimer cette Eglise
comme notre Mère. »
Révélation de Dieu et de la signification de la vie humaine, Jésus a annoncé la vérité pour les hommes de tous temps. Il a appelé ses disciples à rester unis et, en témoignant de son amour, à répandre son message et à le maintenir intact. Il leur affirmait sa présence continue parmi eux. Ainsi son Église prolonge-t-elle son œuvre. Elle se fonde sur le témoignage des apôtres, et en tout premier lieu de Pierre.
Elle agit sous la mouvance de l'Esprit de Jésus, celui de Dieu lui-même, le Saint-Esprit, dont Jésus a assuré qu'il éclairerait et animerait les siens jusqu'à la fin des temps.
Elle le fait sous la conduite d'une hiérarchie dont le ministère prolonge celui des apôtres : le pape, les évêques.
En dépit de ses faiblesses, de ses fautes, de certaines contradictions, confusions, contestations ou conflits qui peuvent surgir entre ses membres, cette Église est indéfectible : l'Esprit de Dieu la reconduit sans cesse à sa mission. « Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde », lui avait affirmé Jésus.
Fût-ce à travers approches, recherches et tâtonnements, elle annonce infailliblement la vérité à croire et la morale à pratiquer.
III
La prière
« Il faut avant tout prier
parce que nous sommes croyants.
La prière est en effet reconnaissance
de notre limite et de notre dépendance :
nous venons de Dieu,
nous sommes de Dieu et nous retournons à Dieu. »
La prière
« Il faut avant tout prier
parce que nous sommes croyants.
La prière est en effet reconnaissance
de notre limite et de notre dépendance :
nous venons de Dieu,
nous sommes de Dieu et nous retournons à Dieu. »
La prière est le dialogue personnel de l'individu et celui de la communauté avec Dieu. Pour être authentique, elle doit être théologiquement exacte. En effet, c’est un contact spirituel avec l'infini et l'absolu. Nous savons que Dieu s’est révélé en Jésus-Christ, et que celui-ci est présent dans l'Eglise qu'il a voulue et fondée.
La prière est toujours prière d'adoration, de contrition et de demande. Homme, Jésus est par excellence celui qui a prié. Il s’est tourné vers son Père au nom de l'humanité entière.
Si le sommet de la prière, c'est l'adoration, la manifestation suprême de l'adoration, c'est le sacrifice. En mourant sur la croix, Jésus s'est lui-même offert en sacrifice, pour tous, une fois pour toutes. II nous a demandé de commémorer sa mort et sa résurrection, ce que nous faisons en célébrant l'Eucharistie. Celle-ci est donc la prière chrétienne par excellence, celle que l'Eglise ne cesse de refaire « par le Christ, avec le Christ et en lui ».
Toutes les autres prières et dévotions, y compris celles à Marie, ne prennent sens que parce qu'elles nous reconduisent à ce point central.
IV
L’amour
« La voie du bien à un nom :
elle s’appelle amour ;
c’est en lui qu’on peut trouver
la clef de toute existence,
parce que l’amour vrai
à sa racine en Dieu lui-même. »
En créant homme et la femme « à son image et à sa ressemblance », Dieu a voulu en faire les collaborateurs de son projet créateur. II les appelle à donner la vie a des créatures nouvelles, mais aussi à s'épanouir eux-mêmes dans l’échange réciproque.
L'intimité sexuelle de l'homme et de la femme prend de ce fait un caractère sacré. Elle se réalise dans l'institution du mariage monogamique auquel l’Église donne une dimension sacramentelle. En se conférant eux-mêmes le mariage, les époux entrent dans le règne de la grâce dont ils découvrent une nouvelle forme.
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V
L’histoire
« La voie du bien à
« Il importe
d'expliquer que l'histoire des hommes,
avec ses marques de
grâce et de péché,
de grandeur et de
misère, est assumée par Dieu
en son Fils Jésus-Christ
et offre déjà
une ébauche du siècle
à venir. »
Dans
la perspective chrétienne, c'est avant tout dans l'histoire, dans son histoire,
personnelle et collective, que l'homme rencontre Dieu.
Les
événements de ce monde peuvent sembler chaotiques, privés de tout sens. L'homme
tenterait tant bien que mal d'y mettre un peu d'ordre. Mais tout n'apparaît-il
finalement pas désespérant ? Les sociétés se défont, et la mort semble toujours
l'emporter. Certaines idéologies ont pu faire croire à une espèce de progrès
quasi automatique de l'humanité ! Les diverses sciences, celles de la nature ou
celles de l'homme, font parfois espérer que, demain, on pourra maîtriser le mal
et vivre enfin. Mais, en s'élargissant, nos connaissances se heurtent de plus
en plus au vide de l'univers. Rien n'a-t-il donc sens ?
Cherchez
en vous, répond d'une certaine façon la Bible. Le peuple hébreu, jadis, a
compris son histoire comme signe d'un Dieu qui lui donnait de naître à
lui-même. Au cœur de ce peuple, Jésus, nous a montré le vrai sens de cette
découverte : toute notre vie, avec toutes ses dimensions, y compris la
souffrance et la mort, peut nous donner de naître à nous-mêmes, personnes et
groupes, sous le regard du Père, le Dieu d'amour. Ainsi Jésus était-il lui-même
né de l'Esprit, Fils de Dieu parmi nous.
Oui,
notre histoire a un sens. Elle est un vaste pèlerinage nous conduisant à la
plénitude. Encore ne faut-il pas se laisser détourner de la voie ! C'est si
difficile, en ce monde où tant d'illusions nous fourvoient. Sachons donc lire
ce qui se passe, les « signes des temps ». Il y a les nuages, il y a aussi le
soleil qui toujours les domine. Il brillera totalement un jour. Il peut déjà
nous illuminer. Il est temps de se lever et de partir.
VI
Le mal
« Nous nous trouvons
ici au centre
de ce qui pourrait
s'appeler l'anti-Verbe,
c'est-à-dire l'anti-vérité.
La vérité de l'homme
se trouve en effet faussée.
Qui est l'homme, et
quelles sont les limites
de sa nature et de sa
liberté
qu'il ne saurait
franchir ? »
Face à la
réalité du mal les interrogations douloureuses se multiplient : pourquoi le mal
? D'où vient-il ? Quel sens a-t-il ? Pourquoi l'histoire en est-elle pleine ?
Ne voyant plus
comment conjuguer la souffrance qu'ils subissent ou dont ils sont témoins, et
la certitude de la bonté divine, certains croyants sont tentés par le
scepticisme et le désespoir.
Le mal reste
un « mystère » : mystère du monde fini, mystère de Dieu, mystère du cœur
de l'homme, nous en porions aussi la responsabilité alors même que nous en
souffrons. La foi n'« explique » pas ce mal. Elle ne peut qu'évoquer sa
présence « à l'origine » de l'homme : car, dès le premier instant, nous
faussons notre image de Dieu, notre image de l'autre, notre image de
nous-mêmes. Mais elle nous réaffirme que Dieu, le Créateur, est
fondamentalement bon et que sa création est bonne. Elle appelle à prendre la
route qui nous reconduit à Dieu, à l'autre, à nous.
Ne vous
laissez pas fasciner ! Vivez dans la confiance. Le dernier mot est à l'amour.
Regardez Jésus : il a été brisé par la souffrance ; il a été broyé par la haine
; mais en lui s'est manifesté l'Homme véritable, vivant au plus profond de
lui-même de l’amour du Père. Il est le Fils de Dieu. Il donne à ceux qui le
suivent de vivre de même : il est notre Rédempteur. Le malheur est toujours là.
Mais l'amour est plus fort. Un jour, sa réalité s'imposera : celle de Dieu
même.
VII
Le travail
« Le travail
doit aider l’homme à devenir meilleur,
Spirituellement plus
mûr, plus responsable,
Afin qu’il puisse
réaliser sa vocation sur terre,
Aussi bien comme
personne absolument unique
Que dans la
communauté humaine fondamentale
Qu’est la famille. »
En méditant
sur la toute-puissance et l'omniscience de Dieu, Seigneur de l'homme et du
cosmos, on découvre que Dieu a voulu douer l’homme d’intelligence et de volonté
pour en faire son collaborateur capable de donner et d'améliorer la vie par le
travail, l'étude, la science, l'art.
Dieu aurait pu
tout créer directement. Mais il a au contraire créé d'une part l'intelligence
humaine, de l'autre le cosmos comme une réalité à découvrir, à étudier, à
exploiter, à perfectionner.
En ce sens,
tout travail, quelque humble et caché qu'il soit, est collaboration avec Dieu,
et donc source d'une grande dignité et de satisfaction intime.
La réalité
concrète quotidienne montre pourtant que, si le travail est parfois agréable,
donc gratifiant et satisfaisant, il est d'autres moments où il est pénible,
pesant, frustrant. Il est souvent dangereux pour la vie. Il arrive qu'on le fasse
par pure nécessité vitale, en butte à l'injustice, aux humiliations, aux
frustrations.
Mais parfois
survient ce terrible phénomène qu'est le chômage. Ce qui est métaphysiquement
signe de dignité et idéal suprême devient alors tourment, cauchemar, désolation.