Ressources vidéos et autres pour étudiants francophones en quête de sens, de vérité, d'amour et désirant approfondir leur foi ou simplement en savoir un peu plus sur Dieu et la vie chrétienne
dimanche
Si tu as envie d'être meilleur, c'est le Seigneur qui passe
Angélus du 21 décembre 2014
Avant l’angélus
Chers frères et soeurs, bonjour!
Aujourd’hui, en ce quatrième et dernier dimanche de l’Avent, la liturgie veut nous préparer à Noël, proche désormais, en nous invitant à méditer sur le récit de l’annonce de l’Ange à Marie.
Gabriel – ce qui signifie « Force de Dieu » - révèle à la Vierge la volonté du Seigneur qu’elle devienne la mère de son fils unique : « Tu concevras un fils, tu le mettras au monde, et tu l’appelleras Jésus. Il sera grand, et il sera appelé Fils du Très-Haut » (Lc 1,31-32). Fixons notre regard sur cette simple jeune fille de Nazareth, au moment où elle se rend disponible au message divin par son « Oui ».
Recueillons deux aspects essentiels de son attitude qui est pour nous un modèle de la façon de se préparer à Noël.
Avant tout, sa foi, son attitude de foi, qui consiste dans l’écoute de la Parole de Dieu pour s’abandonner à cette Parole avec une pleine disponibilité d’esprit et de cœur.
En répondant à l’ange, Marie a dit : « Voici la Servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (v. 38). Dans son « me voici », plein de foi, Marie ne sait pas sur quels chemins elle devra s’aventurer, quelles douleurs elle devra souffrir, quels risques affronter. Mais elle est consciente que c’est le Seigneur qui le demande et elle se confie totalement à Lui, et elle s’abandonne à son amour.
Voilà la foi de Marie.
Un autre aspect, c’est la capacité de la Mère du Christ de reconnaître le temps de Dieu. Marie est celle qui a rendu possible l’incarnation du Fils de Dieu, « la révélation du mystère enveloppé dans le silence depuis les siècles éternels » (Rm 16,25). Elle a rendu possible l’incarnation du Verbe, grâce justement à son « oui » humble et courageux.
Marie nous enseigne à saisir le moment favorable où Jésus passe dans notre vie et demande une réponse rapide et généreuse. Jésus passe. En effet, le mystère de la naissance de Jésus à Bethléem, survenue historiquement il y a maintenant plus de deux mille ans, s’actualise, en tant qu’événement spirituel, dans « l’aujourd’hui » de la liturgie.
Le Verbe qui a trouvé sa demeure sans le sein de Marie, dans la célébration de Noël vient à frapper nouvellement dans le cœur de chaque chrétien. Chacun de nous est appelé à répondre, comme Marie, avec un « oui » personnel et sincère, en se mettant pleinement à la disposition de Dieu et de sa miséricorde, de son amour.
Combien de fois Jésus passe dans notre vie, et combien de fois il nous envoie un ange, combien de fois, nous ne nous en rendons pas compte parce que nous sommes si pris, plongés dans nos pensées, dans nos affaires, et même en ces jours dans nos préparatifs de Noël, que nous ne nous rendons pas compte qu’Il passe et qu’il frappe à la porte de notre cœur, en demandant accueil, en demandant un « Oui » comme celui de Marie.
Un saint disait : « J’ai peur que le Seigneur passe ! » Savez-vous pourquoi il avait peur ? Il avait peur de ne pas s’en rendre compte et de le laisser passer.
Lorsque nous entendons dans notre cœur : “Mais je voudrais être meilleur/e, je regrette ce que j’ai fait ». Là, c’est vraiment le Seigneur qui frappe. Il te fait ressentir cela, l’envie d’être meilleur, l’envie de rester plus proche des autres, de Dieu.
Si tu ressens cela, arrête-toi ! Et va prier ou peut-être te confesser, nettoyer un peu cela. Et cela fait du bien.
Mais souviens-toi bien: si tu ressens l’envie de devenir meilleur, c’est Lui qui frappe. Ne le laisse pas passer.
Dans le mystère de Noël, à côté de Marie, il y a la présence silencieuse de saint Joseph, tel qu’il est représenté dans les crèches, aussi dans celle que vous pouvez admirer ici, place Saint-Pierre.
L’exemple de Marie et de Joseph est pour nous tous une invitation à saisir avec une ouverture d’esprit totale Jésus qui, par amour, s’est fait notre frère. Il vient apporter au monde le don de la paix : « Paix sur terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2,14), comme les anges l’ont annoncé en choeur aux bergers. Le don précieux de Noël est la paix, et le Christ est notre vraie paix.
Et le Christ frappe à [la porte de] notre cœur pour nous donner la paix. La paix de l’âme. Ouvrons les portes au Christ.
Nous nous confions à l’intercession de notre Mère et de saint Joseph, pour vivre un Noël vraiment chrétien, libres de toute mondanité, prêts à accueillir le Sauveur, le Dieu-pour-nous.
mercredi
Pour améliorer le monde, une recette du pape François
Pour améliorer le monde, une
recette du pape François
Synthèse en français de la
catéchèse
Rome, 17 décembre 2014
"Chaque famille chrétienne
peut accueillir Jésus, l’écouter, lui parler, grandir avec lui, et ainsi
améliorer le monde", explique le pape dans sa catéchèse de ce mercredi,
place Saint-Pierre.
C'était la deuxième catéchèse du
pape sur la famille: un nouveau cycle de catéchèse commencé mercredi dernier,
10 décembre, en préparation au second synode sur la famille d'octobre 2015. La
semaine passée, le pape a donné sa relecture du premier synode sur la famille,
d'octobre 2014.
Aux jeunes venus de France, le
pape a confié cette intention de prière: demander à Dieu "d’aider toutes
les familles à redécouvrir leur vocation et leur mission dans l’Église et dans
le monde".
Voici le texte intégral de la
synthèse en français de la catéchèse du pape, et sa salutation aux
francophones.
Synthèse en français de la
catéchèse du pape
Chers frères et sœurs, la
proximité de Noël jette une grande lumière
sur le don de la famille que Dieu a fait au monde depuis les origines.
Dieu a choisi de naître dans une
famille humaine. Il l’a formée dans un village perdu de la périphérie de
l’Empire romain. C’est là qu’a commencé l’histoire de Jésus parmi les hommes.
Et celui-ci est resté dans cette périphérie pendant trente ans.
Les Évangiles ne nous rapportent
rien de l’adolescence de Jésus, laissant cette tâche à notre méditation
affectueuse. Ainsi, il n’est pas difficile d’imaginer ce que les mamans
pourraient apprendre des prévenances de Marie pour son fils ou ce que les papas
pourraient tirer de l’exemple de Joseph qui a consacré sa vie à défendre sa
famille dans les moments difficiles, ou encore en quoi les jeunes pourraient
être encouragés par Jésus adolescent
pour cultiver leur vocation profonde.
Chaque famille chrétienne peut
accueillir Jésus, l’écouter, lui parler, grandir avec lui, et ainsi améliorer
le monde. Faisons-lui une place dans notre cœur et dans nos journées. La
famille de Nazareth nous engage à redécouvrir la vocation et la mission de
chaque famille.
Salutation aux francophones
Je suis heureux de vous saluer
chers amis francophones, particulièrement les jeunes venant de France. À
quelques jours de la célébration de la Nativité du Seigneur, je vous invite à
lui demander d’aider toutes les familles à redécouvrir leur vocation et leur
mission dans l’Église et dans le monde. A tous, je souhaite de bonnes fêtes de
Noël et du Nouvel An!
© Librairie éditrice du Vatican
mardi
La construction Européenne
Que dit le choix du nom de Benoît
XVI sur l’Europe ?
En choisissant de s’appeler
Benoît XVI, le Cardinal Ratzinger inscrit son Pontificat dans une Tradition
marquée d’abord par Saint Benoît, fondateur du Monachisme en Occident. Cette
disposition rend étonnamment moderne une Règle écrite il y a presque quinze
siècles ! Un homme de responsabilité publique, même à une petite échelle, doit
toujours être également un homme qui sait écouter et qui sait apprendre de ce
qu’il écoute. Benoît XVI a expliqué ce choix lors de l’audience générale du 9
avril 2008.
Benoît qualifie la Règle de «
Règle minimale tracée uniquement pour le début » (73, 8) ; en réalité, celle-ci
offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également
à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa
mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel
et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force
illuminatrice jusqu’à aujourd’hui. Paul VI, en proclamant saint Benoît Patron
de l’Europe le 24 octobre 1964, voulut reconnaître l’œuvre merveilleuse
accomplie par le saint à travers la Règle pour la formation de la civilisation
et de la culture européenne.
Aujourd’hui, l’Europe – à peine
sortie d’un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après
l’effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies
– est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et
durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément
importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel
qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas
reconstruire l’Europe.
Sans cette sève vitale, l’homme
reste exposé au danger de succomber à l’antique tentation de vouloir se
racheter tout seul – une utopie qui, de différentes manières, a causé dans
l’Europe du XXe siècle, comme l’a remarqué le Pape Jean-Paul II, « un recul
sans précédent dans l’histoire tourmentée de l’humanité » (Insegnamenti,
XIII/1, 1990, p. 58). En recherchant le vrai progrès, nous écoutons encore
aujourd’hui la Règle de saint Benoît comme une lumière pour notre chemin. Le
grand moine demeure un véritable maître à l’école de qui nous pouvons apprendre
l’art de vivre l’humanisme véritable. »
Quel était le lien entre Benoît
XV et l’Europe ?
En choisissant de s’appeler
Benoît XVI, le nouveau pape a aussi attiré l’attention sur la grande figure du
Pape Benoît XV, très méconnue en France, à cause de son engagement pour la paix
pendant la guerre de 1914/1918. Cet engagement lui a valu, en France, le surnom
infamant de « Pape Boche ! ».
In te , Domine, speravi; non
confundar in aeternum! Telle était la devise de Benoît XV, pape de 1914 à 1922,
devise qu’il avait tirée du psaume 70 (71). Le nouveau pape Benoît XVI l’a
faite sienne lorsqu’il a présenté – c’est l’expression qu’il a employée –
«quelques aspects» de son programme de gouvernement. Ces mots se réfèrent
évidemment au message qu’il a adressé aux cardinaux le lendemain de son
élection, toujours dans la chapelle Sixtine, le 20 avril dernier. Benoît XVI a
cité la devise de son prédécesseur pour exprimer son «humble abandon entre les
mains de la Providence de Dieu» et son «adhésion totale et confiante au
Christ». Il s’agit d’une interprétation biblique qui était aussi celle de son
prédécesseur Benoît XV; et l’on pourrait bien appliquer à ce dernier les mots
prononcés par Joseph Ratzinger au cours de l’homélie par laquelle il a inauguré
son ministère pétrinien, le 24 avril dernier: «ne pas faire ma volonté, ne pas
poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Église, me mettre à l’écoute de la
parole et de la volonté du Seigneur, et me laisser guider par lui, de manière
que ce soit lui-même qui guide l’Église en cette heure de notre histoire».
Benoît XV – et c’est peut-être la
raison de sa gloire terrestre – a été pleinement à la hauteur de son temps. Au
cours de son bref pontificat ont eu lieu la Première Guerre mondiale (avec ses
séquelles de rancœurs nationalistes), l’écroulement des quatre empires de
l’Europe continentale (l’empire allemand, l’empire ottoman, celui des tsars et
celui des Habsbourg), le génocide des Arméniens et d’autres chrétiens, y
compris de nombreux catholiques. L’époque de Benoît XV a été marquée par la
révolution bolchevique, mais aussi par la virulence de nationalismes exaspérés.
Benoît XV a eu pour contemporains des personnages comme Lénine et Wilson avec
lesquels il a dû se mesurer, et pas seulement dans la compétition indirecte
pour la notoriété publique.
Benoît XV est considéré comme «
le Pape de la paix ». Cette réputation lui vient de ce qu’il s’est constamment
élevé contre la guerre. Son magistère est en effet marqué par une série de
condamnations de la Grande Guerre, définie successivement comme «spectacle
monstrueux», «épouvantable fléau», «horrible carnage», «suicide de l’Europe
civile», «tragédie de la démence humaine», pour arriver à l’ «inutile massacre»
de l’appel de paix adressé par le Pape aux gouvernements belligérants en 1917.
Cette inflexible condamnation de la Première Guerre mondiale n’entendait pas
innover sur le plan théologique la doctrine de l’Église à propos des faits de
guerre, mais exprimait avant tout la répulsion humaine et chrétienne devant un
événement désastreux, porteur de sang et de deuils. Dans une Europe traversée
par les fureurs guerrières et le déferlement des chauvinismes, la définition de
la guerre comme «inutile massacre» a valu à Benoît XV l’aversion de toutes les
classes dirigeantes des pays engagés dans le conflit. Sur l’un ou l’autre
front, de nombreux dirigeants catholiques ont eux-mêmes rejeté les demandes de
paix du Souverain Pontife. Ne faisant qu’un avec leurs gouvernements, ils
exigeaient comme seule paix possible celle de la victoire et de
l’anéantissement de l’ennemi. Une véritable campagne de dénigrement a été mise
en œuvre contre Benoît XV dans les pays en guerre. L’accueil réservé à ses
interventions a été tout différent dans les masses populaires catholiques et
socialistes, ces dernières trahies par leurs leaders soumis aux politiques de
guerre de leurs gouvernements.
C’est en 1920 qu’allait paraître
la première encyclique qu’un pape ait consacrée à la paix, Pacem Dei munus, qui
affirmait l’exigence d’une réconciliation entre vainqueurs et vaincus. On
trouve conservée dans les archives du Vatican une note écrite par Benoît XV –
c’est une rareté, parce que ce Pape n’avait pas l’habitude de communiquer par
écrit avec ses collaborateurs et ne prenait pas note de ses idées – de laquelle
on peut déduire qu’il ne croyait à aucune « victoire » ou solution de force:
«Dans toute guerre», écrit-il, «pour arriver à la paix, on a dû mettre fin au
propos d’écraser l’adversaire: mettre l’adversaire dans la condition de ne plus
tenter l’épreuve est une sottise, parce que l’épreuve pourra être tentée de
nouveau quelque temps après, soit parce que l’adversaire aura réellement
reconquis ses forces, soit parce qu’il aura cru les avoir reconquises. Les
guerres existeront non pas tant qu’il y aura la force, mais tant qu’il y aura
la cupidité humaine». Benoît XV, infatigable chercheur de solutions pacifiques,
croyait à la sagesse des médiations diplomatiques et surtout à la
réconciliation entre ennemis.
Source : Andrea Riccardi, Mensuel
30 jours. Mai 2005
Quelle est la position de Benoît
XVI sur la construction européenne ?
Le pape a exposé ses idées sur l’élargissement
de l’Europe à l’occasion d’un discours devant le corps diplomatique à Vienne,
le 7 septembre 2007.
(…) L’Autriche et l’élargissement
de l’Europe
Nous nous trouvons ici dans un
lieu historique, à partir duquel, pendant des siècles, a été gouverné un empire
qui a uni de vastes parties de l’Europe centrale et orientale. Le lieu où nous
sommes et le moment que nous vivons nous offrent donc une occasion
providentielle pour fixer notre regard sur toute l’Europe d’aujourd’hui. Après
les horreurs de la guerre et les expériences traumatisantes du totalitarisme et
de la dictature, l’Europe a entrepris le chemin vers une unité du Continent,
qui tend à assurer un ordre durable de paix et de développement juste. La
division qui, pendant des décennies, a déchiré le Continent de manière
douloureuse est, il est vrai, surmontée sur le plan politique, mais l’unité
reste encore en grande partie à réaliser dans l’esprit et dans le cœur des
personnes. Même si, après la chute du rideau de fer en 1989, une certaine
espérance excessive a pu laisser place à la déception, et si, sur quelques
aspects, il est possible de formuler des critiques justifiées vis-à-vis de
quelques institutions européennes, le processus d’unification est de toute
façon une œuvre d’une grande portée qui a permis à ce Continent, longtemps miné
par des conflits continuels et des guerres fratricides désastreuses, de vivre
une période de paix qu’il n’avait pas connue depuis longtemps. En particulier,
la participation à ce processus constitue pour les Pays d’Europe centrale et
orientale un stimulant ultérieur pour consolider chez eux la liberté, l’état de
droit et la démocratie. Je voudrais rappeler à ce propos la contribution que
mon Prédécesseur le Pape Jean-Paul II a apportée à ce processus historique.
L’Autriche, qui se trouve aux confins de l’Occident et de l’Orient d’alors, a
également, comme pays-pont, beaucoup contribué à cette union et en a aussi – il
ne faut pas l’oublier – tiré grand profit (…).
Source : Discours devant le corps
diplomatique. Vienne, 7 Septembre 2007.
Quelles réserves le pape émet-il
néanmoins ?
Le pape Benoît XVI a critiqué
sévèrement certaines orientations actuelles des politiques européennes dans son
discours pour le 50ème anniversaire des Traités de Rome, Congrès de la COMECE,
le 25 mars 2007.
(…) On ne peut pas penser édifier
une authentique « maison commune » européenne en négligeant l’identité propre
des peuples de notre continent. Il s’agit en effet d’une identité historique,
culturelle et morale, avant même d’être géographique, économique ou politique;
une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles, que le
christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement
historique, mais fondateur à l’égard de l’Europe. Ces valeurs, qui constituent
l’âme du continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire
comme un « ferment » de civilisation. Si elles devaient disparaître, comment le
« vieux » continent pourrait-il continuer de jouer le rôle de « levain » pour
le monde entier ?
Si, à l’occasion du 50e
anniversaire des Traités de Rome, les gouvernements de l’Union désirent se «
rapprocher » de leurs citoyens, comment pourraient-ils exclure un élément
essentiel de l’identité européenne tel que le christianisme, auquel une vaste
majorité d’entre eux continue de s’identifier ?
N’est-il pas surprenant que
l’Europe d’aujourd’hui, tandis qu’elle vise à se présenter comme une communauté
de valeurs, semble toujours plus souvent contester le fait qu’il existe des
valeurs universelles et absolues. Cette forme singulière d’« apostasie »
d’elle-même, avant même que de Dieu, ne la pousse-t-elle pas à douter de sa
propre identité ? De cette façon, on finit par répandre la conviction selon
laquelle la « pondération des biens » est l’unique voie pour le discernement
moral et que le bien commun est synonyme de compromis. En réalité, si le
compromis peut constituer un équilibre légitime d’intérêts particuliers
différents, il se transforme en mal commun chaque fois qu’il comporte des
accords qui nuisent à la nature de l’homme.
Une communauté qui se construit
sans respecter la dignité authentique de l’être humain, en oubliant que chaque
personne est créée à l’image de Dieu, finit par n’accomplir le bien de
personne. Voilà pourquoi il apparaît toujours plus indispensable que l’Europe
se garde d’adopter un comportement pragmatique, aujourd’hui largement diffusé,
qui justifie systématiquement le compromis sur les valeurs humaines
essentielles, comme si celui-ci était l’inévitable acceptation d’un prétendu
moindre mal. Ce pragmatisme, présenté comme équilibré et réaliste, au fond ne
l’est pas, précisément parce qu’il nie la dimension de valeur et d’idéal qui
est inhérente à la nature humaine. De plus, lorsque s’ajoutent à ce pragmatisme
des tendances et des courants laïcistes et relativistes, on finit par nier aux
chrétiens le droit même d’intervenir en tant que tels dans le débat public ou,
tout au moins, on dévalorise leur contribution en les accusant de vouloir
sauvegarder des privilèges injustifiés. A l’époque historique actuelle, et face
aux nombreux défis qui la caractérisent, l’Union européenne, pour être le
garant valide de l’Etat de droit et le promoteur efficace de valeurs
universelles, ne peut manquer de reconnaître avec clarté l’existence certaine
d’une nature humaine stable et permanente, source de droits communs à toutes
les personnes, y compris celles-là mêmes qui les nient. Dans ce contexte, il
faut sauvegarder le droit à l’objection de conscience, chaque fois que les
droits humains fondamentaux sont violés (…).
Source : Discours pour le 50°
anniversaire des Traités de Rome, Congrès de la COMECE (Commission des
Episcopats de la Communauté Européenne), 25 mars 2007.
Quelles sont pour Benoît XVI la
responsabilité de l’Europe dans le monde ?
Dans son discours devant le corps
diplomatique à Vienne, le 7 septembre 2007, Benoît XVI appelle à l’ouverture
vers les autres peuples du Monde, en particulier africains, démarche qui
s’inscrit dans une tradition constante des derniers Papes, en particulier du
Pape Jean-Paul II.
(…) Les tâches de l’Europe dans
le monde
De l’unicité de son nom découle
aussi, cependant, pour l’Europe, une responsabilité unique dans le monde. À ce
propos, elle ne doit surtout pas renoncer à elle-même. Le continent qui, sur le
plan démographique, vieillit de façon rapide ne doit pas devenir un continent
spirituellement vieux. De plus, l’Europe acquerra une meilleure conscience
d’elle-même si elle assume une responsabilité dans le monde qui corresponde à
sa tradition spirituelle particulière, à ses capacités extraordinaires et à sa
grande force économique. L’Union européenne devrait par conséquent jouer un
rôle de meneur dans la lutte contre la pauvreté dans le monde, et dans
l’engagement en faveur de la paix. Nous pouvons constater avec gratitude que
les pays européens et l’Union européenne sont parmi ceux qui contribuent le
plus au développement international, mais ils devraient aussi faire valoir leur
importance politique face, par exemple, aux très urgents défis portés par l’Afrique,
aux horribles tragédies de ce continent telles que le fléau du SIDA, la
situation au Darfour, l’exploitation injuste des ressources naturelles et le
trafic préoccupant des armes. De même que l’engagement politique et
diplomatique de l’Europe et de ses pays ne doit pas oublier la situation
toujours grave du Moyen-Orient où la contribution de tous est nécessaire pour
favoriser le renoncement à la violence, le dialogue réciproque et une
cohabitation vraiment pacifique. Les relations avec les Nations d’Amérique
latine et avec celles du Continent asiatique doivent continuer à croître, par
des liens opportuns d’échange (…)
Source : Discours devant le corps
diplomatique. Vienne, 7 septembre 2007
Quel lien Benoît XVI fait-il
entre foi et raison ?
L’attachement de Benoît XVI au
dialogue entre la foi et la raison est lié à l’enracinement chrétien de
l’Europe.
(…) Le dialogue de la raison
Fait aussi partie de l’héritage
européen une tradition de pensée, pour laquelle un lien substantiel entre foi,
vérité et raison est essentiel. Il s’agit ici, en définitive, de se demander
si, oui ou non, la raison est au principe de toutes choses et à leur fondement.
Il s’agit de se demander si le hasard et la nécessité sont à l’origine de la
réalité, si donc la raison est un produit secondaire fortuit de l’irrationnel,
et si, dans l’océan de l’irrationalité, en fin de compte, elle n’a aucun sens,
ou si au contraire ce qui constitue la conviction de fond de la foi chrétienne
demeure vrai : In principio erat Verbum – Au commencement était le Verbe – à
l’origine de toutes choses, il y a la Raison créatrice de Dieu qui a décidé de
se rendre participant à nous, êtres humains.
Permettez-moi de citer dans ce
contexte Jürgen Habermas, un philosophe qui n’adhère pas à la foi chrétienne :
« Par l’autoconscience normative du temps moderne, le christianisme n’a pas été
seulement un catalyseur. L’universalisme égalitaire, dont sont nées les idées
de liberté et de solidarité, est un héritage immédiat de la justice juive et de
l’éthique chrétienne de l’amour. Inchangé dans sa substance, cet héritage a
toujours été de nouveau approprié de façon critique et de nouveau interprété.
Jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas d’alternative à cela » (…).
Benoît XVI et la laïcité en
questions
Quels enjeux la laïcité
soulève-t-elle ?
Le pape Benoît XVI a une vive
conscience des enjeux culturels, intellectuels et spirituels de la laïcité, qui
lui semblent plus importants que ses enjeux institutionnels, législatifs et
juridiques.
Il s’interroge sur la place de la
foi chrétienne à l’intérieur des sociétés modernes, dans la mesure où ces
sociétés sont imprégnées des catégories de pensée inspirées par la «
philosophie des Lumières».
Quelle attitude les fidèles
doivent-ils adopter par rapport à la philosophie des Lumières ?
Face à cette « philosophie des
Lumières », Benoît XVI en appelle a un discernement intelligent : il s’agit de
refuser une conception étroite de la Raison, qui exclurait Dieu de la société,
et, en même temps, d’accueillir les enseignements de cette philosophie quand
elle affirme les droits fondamentaux de tout être humain et la liberté
constitutive de la foi.
« Il s’agit de l’attitude que la
communauté des fidèles doit adopter face aux convictions et aux exigences qui
s’affirment dans la philosophie des Lumières. D’une part, nous devons nous
opposer à la dictature de la raison positiviste qui exclut Dieu de la vie de la
communauté et de l’organisation publique, privant ainsi l’homme de ses critères
spécifiques de mesure. D’autre part, il est nécessaire d’accueillir les
véritables conquêtes de la philosophie des Lumières, les droits de l’homme et
en particulier la liberté de la foi et de son exercice, en y reconnaissant des
éléments essentiels également pour l’authenticité de la religion ». (Discours à
la Curie Romaine, 22 décembre 2006 : Documentation catholique 2373, p.108.)
Il ne faut jamais perdre de vue
cette double dimension du discernement souhaité :
- D’une part, la critique d’une
conception totalitaire de la raison et de sa fermeture aux réalités religieuses.
- D’autre part, la reconnaissance
des effets positifs de la pensée moderne, quand elle oblige les croyants à
vivre authentiquement leur foi, en la comprenant eux-mêmes comme une source de
liberté.
La foi et la raison sont-elles
compatibles ?
Benoît XVI plaide pour un
dialogue intelligent entre la raison et la foi, en insistant sur les exigences
relativement nouvelles de ce dialogue : que la raison renonce à ses prétentions
totalitaires et que la foi chrétienne reconnaisse les capacités de compréhension
rationnelle qu’elle porte en elle !
Revenant sur la conférence qu’il
avait prononcée, le 12 septembre 2006, à l’Université de Ratisbonne, et dont
une phrase, exclue de son contexte, avait provoqué de grandes alarmes dans le
monde musulman, Benoît XVI insiste sur l’urgence de ce dialogue entre la raison
et la foi. Il se souvient de sa rencontre avec le philosophe Jürgen Habermas et
rappelle que celui-ci « avait dit que nous aurions besoin de personnes capables
de traduire les convictions codées de la foi chrétienne dans le langage du
monde sécularisé pour les rendre à nouveau efficaces ». (Discours du 22
décembre 2006 : Discours à la Curie Romaine, 22 décembre 2006 : Documentation
catholique 2373, p.107).
On peut penser que le contexte
culturel de la laïcité oblige encore davantage à ce travail de dialogue et de
traduction, avec toutes les initiatives et toutes les médiations qu’il
implique, car « la raison a besoin du Logos qui est à l’origine de tout et qui
est notre lumière ; la foi, pour sa part, a besoin de dialogue avec la raison
moderne pour se rendre compte de sa grandeur et être à la hauteur de ses
responsabilités ». (Ibid., p.107).
On devrait s’interroger davantage
sur les institutions de formation où il est possible, en France, de pratiquer
ce travail de dialogue et de « traduction », notamment dans le cadre de
l’enseignement catholique, et spécialement des Instituts catholiques. Ce qui
appelle ces Instituts à être effectivement reliés au monde de la pensée et de
la recherche universitaires.
Ces mêmes exigences de dialogue
concernent aussi les enseignants chrétiens présents dans l’Education nationale,
avec les initiatives nouvelles que l’Église catholique en France devrait
prendre à leur égard.
Laïcité ou laïcisme ?
Les effets négatifs de l’idéologie
laïciste sont évidents. Ils tendent à exclure la foi chrétienne de l’espace
public et à promouvoir une culture totalement coupée de ses racines profondes.
Benoît XVI a souvent mis en
relief ces deux effets intimement liés l’un à l’autre, notamment par rapport au
préambule de la Constitution européenne, où l’on a refusé d’inscrire la mention
de Dieu et la référence historique aux racines chrétiennes de l’Europe. Ce
double refus est très significatif.
- D’une part, « le refus lui-même
de référence à Dieu n’est pas l’expression d’une tolérance qui veut protéger
les religions non théistes et la dignité des athées et des agnostiques, mais
plutôt l’expression d’une conscience qui voudrait voir Dieu effacé
définitivement de la vie publique de l’humanité et cantonné au milieu subjectif
des cultures résiduelles du passé ». (L’Europe dans la crise des cultures :
conférence du cardinal Ratzinger à Subiaco, le 1er Avril 2005 : Documentation
catholique Hors-série, 2005, p. 123).
- D’autre part, le refus de reconnaître
les racines chrétiennes de l’Europe porte sur la mémoire historique. Elle obéit
au même processus d’exclusion : cette culture « se coupe consciemment de ses
propres racines historiques, se privant par là des forces fécondes dont elle
est elle-même née, elle abandonne ce que l’on peut appeler la mémoire
fondamentale de l’humanité, sans laquelle la raison perd son orientation »
(Ibid., p.123). Il y a là une véritable mutilation qui atteint l’existence
commune.
Ces critiques ont valeur
d’avertissement : Où en sommes-nous de notre propre connaissance historique du
phénomène chrétien présent à l’intérieur de nos sociétés ? Qu’est-ce qui est
exigé de nous si nous voulons nous familiariser davantage avec une lecture chrétienne
de notre histoire ?
Qu’entend Benoît XVI par « saine
laïcité » ?
Tout en maintenant ses critiques
sur les excès du laïcisme, Benoît XVI ne doute pas de la possibilité de mettre
en œuvre, dans nos sociétés modernes, une « saine laïcité », qui comporte des
obligations mutuelles à la fois pour l’État et pour l’Église.
Il faut que « l’État ne considère
pas la religion comme un simple sentiment individuel qui pourrait être limité
au seul domaine privé . Au contraire, la religion, étant également organisée en
structures visibles, comme cela a lieu pour l’Église, doit être reconnue comme
présence communautaire publique ». (Discours au Congrès des Juristes
catholiques italiens, 9 décembre 2006).
Mais, de son côté, l’Église doit
éviter tout ingérence par rapport à l’État : « Ce n’est pas l’Église qui peut
indiquer quelle organisation publique ou sociale il faut préférer, mais c’est
le peuple qui doit décider librement des façons les meilleures et les plus
adaptées d’organiser la vie publique ». (Ibid.)
Benoît XVI, dans le même
discours, insiste, en se référant à la Constitution conciliaire Gaudium et
spes, sur les exigences que comporte pour les catholiques cette pratique d’une
« saine laïcité » :
« Il est alors du devoir de tous
les croyants, et en particulier des croyants dans le Christ, de continuer à
élaborer un concept de laïcité qui, d’une part, reconnaisse à Dieu et à sa loi
morale, au Christ et à son Église, la place qui leur revient dans la vie
humaine, individuelle et sociale et, de l’autre, qui affirme et respecte la «
légitime autonomie des réalités terrestres », en entendant par cette
expression, comme le répète le Concile Vatican II, que « les choses créées et
les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres que l’homme doit
peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser. » (Gaudium et spes,
n.36).
En quoi Benoît XVI poursuit-il la
réflexion de Jean-Paul II ?
Il est évident que ces
affirmations du pape Benoît XVI relatives à une « saine laïcité » sont dans le
même sillage que les encouragements adressés par le pape Jean-Paul II aux
catholiques de France, en Février 2005, dans le cadre du centenaire de la loi
de 1905.
« L’Église souhaite que les
valeurs religieuses, morales et spirituelles qui font partie du patrimoine de
la France, qui ont façonné son identité et qui ont forgé des générations de
personnes depuis les premiers siècles du christianisme ne tombent pas dans
l’oubli. J’invite donc les fidèles de votre pays, dans la suite de la Lettre
aux catholiques de France que vous leur avez adressée il y a quelques années, à
puiser dans leur vie spirituelle et ecclésiale la force pour participer à la
res publica et pour donner un élan nouveau à la vie sociale et une espérance
renouvelée aux hommes et aux femmes de notre temps ». (Lettre de Jean-Paul II
aux évêques de France pour le centenaire de la loi de 1905 : 11 Février 2005,
Documentation catholique 2331, p.204).
Cet appel de Jean-Paul II à
l’engagement des catholiques et de l’Église dans la société française demeure
d’une grande actualité. Les réflexions exigeantes de Benoît XVI nous obligent à
actualiser encore davantage cet engagement.
La laïcité, un défi pour les
chrétiens ?
Il est indéniable qu’un usage
restrictif ou intolérant de la laïcité met la Tradition et la foi chrétiennes à
l’épreuve dans nos sociétés pluralistes, où le christianisme est présent à côté
d’autres traditions religieuses et aussi de courants de pensée agnostiques ou
athées, sans oublier l’indifférence ambiante.
Mais cette épreuve comporte
elle-même comme un défi à relever : il s’agit pour nous, chrétiens, d’inscrire
notre foi à l’intérieur de notre société oublieuse de ses racines et de
comprendre nous-mêmes que la Révélation chrétienne comporte une ouverture à
l’universel. Cet universalisme empêche l’Église catholique de se replier sur
elle-même. Elle l’oblige en permanence à s’adresser à tous. C’est en insistant
sur cet universalisme essentiel à la foi et à l’Église que le cardinal
Ratzinger avait conclu son allocution à l’Académie des Sciences morales et
politiques, à Paris, en novembre 1992 :
« Il est conforme à la nature de
l’Église d’être séparée de l’État et que sa foi ne puisse pas être imposée par
l’État, mais repose au contraire sur des convictions acquises
librement…L’Église se doit d’être non pas un État ou une partie d’un État, mais
une communauté de conviction. Elle se doit aussi de se savoir responsable de
l’ensemble et de ne pas pouvoir se limiter à elle-même. Il lui faut à partir de
sa propre liberté parler à l’intérieur de la liberté de tous… » (La liberté, le
droit et le bien, Principes moraux dans les sociétés démocratiques, dans
Valeurs pour un temps de crise, Parole et silence, 2005, p.22).
Il est probable que, lors de son
prochain voyage en France, le pape Benoît XVI insistera à nouveau sur cette
responsabilité large de l’Église, fondée sur l’universalisme chrétien.
Sans oublier que cette
responsabilité de l’Église implique le témoignage des croyants, et des croyants
qui osent dire Dieu à travers toute leur existence. Comme l’avait souligné le
cardinal Ratzinger en 2005, peu avant son élection comme évêque de Rome :
« Ce dont nous avons le plus
besoin en ce moment de l’histoire, ce sont des hommes qui par une foi éclairée
et vive, rendent Dieu crédible dans ce monde…Nous avons besoin d’hommes dont
l’intelligence soit éclairée par la lumière de Dieu et dont Dieu ouvre le cœur,
de sorte que leur intelligence puisse parler à l’intelligence des autres et que
leur cœur puisse ouvrir le cœur des autres ». (L’Europe dans la crise des
cultures, Ibid., p.125).
Il est évident que les questions
posées par la laïcité à la conscience chrétienne ne sont pas seulement des
questions théoriques, mais des questions profondément existentielles qui
concernent notre façon de témoigner du Dieu de Jésus-Christ dans notre société
pluraliste et sécularisée.
Une Europe en crise
spirituelle
En choisissant le nom de Benoît XVI, le Cardinal Ratzinger
avait inscrit son pontificat à la fois dans les traces de Saint Benoît, « père
du monachisme occidental, co-patron de l’Europe, et en référence à Benoît XV,
qui a guidé l’Église dans la période difficile de la première guerre mondiale »
[1].
De même, dans une catéchèse consacrée à Saint Benoît de
Nursie, il avait souhaité se placer dans la continuité de Paul VI qui « en
proclamant saint Benoît Patron de l’Europe le 24 octobre 1964, voulut reconnaître
l’œuvre merveilleuse accomplie par le saint à travers la Règle pour la
formation de la civilisation et de la culture européenne » [2].
Ce choix fut révélateur de l’un des fils conducteurs de ce
pontificat : son insistance à revenir sans cesse sur l’avenir de l’Europe et la
nécessaire construction d’une véritable identité européenne.
La construction de l’unité de l’Europe
La réussite de la construction européenne sur le plan de la
paix a été saluée à de nombreuses reprises par Benoît XVI durant son pontificat
: « en tant que berceau de l’histoire et de la culture du continent européen au
cours des siècles, l’Église catholique accueille en grande partie avec
satisfaction ce développement. Là où les hommes et les peuples se considèrent
membres de la même famille, les possibilités de paix, de solidarité, d’échange
et d’enrichissement réciproque augmentent » [3].
Revenant sur l’unité de l’Europe, il a noté que « la
division qui, pendant des décennies, a déchiré le Continent de manière
douloureuse est, il est vrai, surmontée sur le plan politique, mais l’unité
reste encore en grande partie à réaliser dans l’esprit et dans le cœur des
personnes » [4]. « Cinquante ans après le lancement du grand projet de la
construction européenne […] les avancées sont considérables, même si de
nouvelles difficultés sont apparues récemment » [5].
« Pour créer une
unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et
juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un
renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du
continent » [6].
D’après Benoît XVI « La « maison Europe » [...] sera pour tous
un lieu agréable à habiter seulement si elle est construite sur une solide base
culturelle et morale de valeurs communes que nous tirons de notre histoire et
de nos traditions » [7].
Une Europe en crise spirituelle
Pour Benoît XVI, le « cœur de la crise » qui frappe l’Europe
est une crise « spirituelle et morale », où l’homme « prétend définir sa propre
identité » [8].
l’Occident a perdu le sens et la valeur profonde de son
patrimoine spirituel et moral, et même les baptisés ont « perdu leur identité
et leur appartenance » : avec la baisse
de la pratique religieuse, certains « doutent des vérités enseignées par
l’Église » tandis que d’autres « réduisent le Royaume de Dieu à quelques
grandes valeurs qui, si elles ont un lien avec l’Évangile, ne constituent pas
le cœur de la foi chrétienne ». La « rationalité scientifique et la culture
technique », non seulement « tendent à uniformiser le monde », mais souvent
dépassent leurs domaines spécifiques, avec la « prétention de tracer le
périmètre des certitudes de la raison ». Ainsi le « pouvoir des capacités
humaines finit par se penser la mesure même de l’agir, libéré de toute norme
morale » [9].
Benoît XVI a invité à «
cultiver une vie authentique de prière pour assurer le progrès social
dans la paix ». « Ce n’est qu’en
apprenant, avec la grâce de Dieu, à combattre et à vaincre le mal à l’intérieur
de soi et dans les relations avec les autres, que l’on devient des
constructeurs authentiques de paix et de progrès civil » [10].
Les 2 âmes de l’Europe
« Le problème de l’Europe pour trouver son identité semble
consister dans le fait qu’en Europe nous avons aujourd’hui deux âmes : une âme
et une raison abstraite, anti-historique, qui entend tout dominer car elle se
sent au-dessus de toutes les cultures. [...] L’autre âme est celle que nous
pouvons appeler chrétienne, qui s’ouvre à tout ce qui est raisonnable, qui a
elle-même créé l’audace de la raison et la liberté d’une raison critique, mais
qui reste ancrée aux racines qui ont donné origine à cette Europe, qui l’ont
construite dans les grandes valeurs, dans les grandes intuitions, dans la
vision de la foi chrétienne » [11].
Pour Benoît XVI, cette identité européenne pourra se
construire uniquement si se met en place une véritable réflexion commune entre les
différentes religions chrétiennes qui ont façonné l’Europe : « c’est surtout
dans le dialogue œcuménique entre Églises catholique, orthodoxe, protestante,
que cette âme doit trouver une expression commune et doit ensuite rencontrer
cette raison abstraite, c’est-à-dire accepter et conserver la liberté critique
de la raison par rapport à tout ce qu’elle peut faire et a fait, mais la mettre
en pratique, la rendre concrète dans le fondement, dans la cohésion avec les
grandes valeurs que le christianisme nous a données. Ce n’est que dans cette
synthèse que l’Europe peut avoir son poids dans le dialogue interculturel de
l’humanité d’aujourd’hui et de demain, car une raison qui s’est émancipée de
toutes les cultures ne peut pas entrer dans un dialogue interculturel » [12].
[1] Benoît XVI, audience
générale, 27/04/2005
[2] Benoît XVI, audience
générale, 09/04/2008
[3] Discours du pape Benoît XVI à
l’ambassadeur d’Autriche, 18/09/2006
[4] Benoît XVI, Visite
apostolique en Autriche, 07/09/2007
[5] Discours du pape Benoît XVI à
l’ambassadeur de Belgique, 26/10/2006
[6] Benoît XVI, audience
générale, 09/04/2008
[7] Benoît XVI, Visite
apostolique en Autriche, 07/09/2007
[8] Benoît XVI aux participants
de la 64e Assemblée plénière de la Conférence épiscopale italienne (CEI),
24/05/2012
[9] Zenit, Europe : repartir de
Dieu pour faire face à la crise, 25 mai 2012
[10] Benoît XVI, Regina Cæli,
24/05/2009
[11] Entretien avec Benoît XVI,
15/10/2012
[12] Entretien avec Benoît XVI,
15/10/2012
Le rejet croissant du
christianisme en Europe
Fustigeant ceux qui nient à
l’Europe toute racine chrétienne, Benoît XVI s’est régulièrement inquiété de la
montée de l’hostilité et des préjugés à l’égard des chrétiens au sein même de
l’Europe.
« Sous de nouvelles formes, se
font jour des tentatives pour marginaliser l’influence du christianisme dans la
vie publique – parfois sous le prétexte que ses enseignements porteraient
atteinte au bien-être de la société –. Ce phénomène doit nous inciter à prendre
le temps de la réflexion. Comme je l’ai suggéré dans mon Encyclique sur
l’Espérance chrétienne, la séparation artificielle de l’Évangile avec la vie
publique et intellectuelle devrait nous pousser à engager une mutuelle « autocritique
de la modernité » et « autocritique du christianisme moderne », regardant
spécifiquement l’espérance que chacun peut offrir au genre humain (cf. Spe
Salvi, n. 22) » [1].
« Il existe en outre des formes
plus élaborées d’hostilité envers la religion, qui, dans les pays occidentaux,
se manifestent parfois par le reniement de l’histoire et des symboles religieux
dans lesquels se reflètent l’identité et la culture de la majorité des
citoyens. Ces attitudes alimentent souvent haine et préjugés et ne sont pas
cohérentes avec une vision sereine et équilibrée du pluralisme et de la laïcité
des institutions, sans compter qu’elles peuvent empêcher les jeunes générations
d’entrer en contact avec le précieux héritage spirituel de leurs pays. »
« On ne peut oublier que le
fondamentalisme religieux et le laïcisme sont des formes spéculaires et
extrêmes du refus du légitime pluralisme et du principe de laïcité. Tous deux,
en effet, absolutisent une vision réductrice et partiale de la personne
humaine, favorisant dans le premier cas, des formes d’intégralisme religieux,
et dans le second, de rationalisme. La société qui veut imposer, ou qui, au
contraire, nie la religion par la violence, est injuste à l’égard de la
personne et de Dieu, mais aussi envers elle-même » [2].
L’Europe, construite par la
chrétienté
«
Des voix chagrines contestent avec une stupéfiante régularité la réalité
des racines religieuses européennes. Il est devenu de bon ton d’être amnésique
et de nier les évidences historiques. Affirmer que l’Europe n’a pas de racines
chrétiennes, équivaut à prétendre qu’un homme peut vivre sans oxygène et sans
nourriture. Il ne faut pas avoir honte de rappeler et de soutenir la vérité en
refusant, si nécessaire, ce qui est contraire à elle » [3].
Ces années de pontificat ont
ainsi été pour l’Europe une invitation incessante à « renforcer ses racines
chrétiennes et à intensifier ainsi son engagement en faveur de la solidarité et
de la ferme défense de la dignité de l’homme » [4].
A travers de nombreuses catéchèses
et audiences, Benoît XVI a rappelé la participation essentielle de l’ Église à
la construction de l’Europe, que ce soit à travers « l’œuvre merveilleuse
accomplie par le saint à travers la Règle pour la formation de la civilisation
et de la culture européenne » [5], le témoignage des saints Cyrille et Méthode,
« pionniers de l’évangélisation de l’Europe » [6] ou celui de l’héritage
clunisien qui a permis d’esquisser ainsi « une Europe de l’esprit » [7].
Il a invité à de multiples
reprises l’homme européen à « ne pas renier l’héritage chrétien qui appartient
à son histoire, mais au contraire qu’’il le conserve jalousement et l’amène à
porter encore des fruits dignes du passé » [8]. Que ce soit en Croatie [9], en
Autriche [10], en République Tchèque [11], en Italie [12], aux membres du
parlement européens [13], … Benoît XVI n’a eu de cesse de rappeler lors de ses
visites l’importance des « racines chrétiennes de l’Europe qui lui ont conféré
sa grandeur par le passé et qui peuvent aujourd’hui encore favoriser l’unité
profonde du continent » [14].
Les racines chrétiennes de
l’Europe
L’Europe contemporaine est « le
fruit de deux mille ans de civilisation » et elle plonge ses racines à la fois
dans l’immense patrimoine d’Athènes et de Rome, et surtout dans le « terrain
fécond du christianisme » qui s’est
révélé capable de « créer de nouveaux patrimoines culturels tout en recevant la
contribution originale de chaque civilisation » [15].
« Quand l’Europe écoute
l’histoire du Christianisme, elle entend sa propre histoire. Sa notion de
justice, de liberté et de responsabilité sociale, en même temps que les
institutions culturelles et juridiques établies pour préserver ces idées et les
transmettre aux générations futures, sont modelées par l’héritage chrétien »
[16].
« Dans l’histoire complexe de
l’Europe, le christianisme représente un élément central. La foi chrétienne a
façonné la culture du vieux continent et s’est mêlée de manière indissoluble à
son histoire, au point que celle-ci ne serait pas compréhensible si l’on ne
faisait pas référence aux événements qui ont caractérisé tout d’abord la grande
période de l’évangélisation et ensuite les longs siècles où le christianisme a
pris un rôle toujours plus important ».
« Les Européens sont appelés à
s’engager pour créer les conditions d’une profonde cohésion et d’une
collaboration réelle entre les peuples. Pour construire la nouvelle Europe sur
des bases solides il ne suffit pas de faire appel aux seuls intérêts
économiques, mais il faut plutôt se baser sur les valeurs authentiques qui ont
leur fondement dans la loi morale universelle inscrite dans le cœur de chaque
homme » [17].
« Rappeler ces origines est
nécessaire, même pour la vérité historique, et il est important de savoir lire
en profondeur ces racines, pour qu’elles puissent aussi animer l’aujourd’hui.
C’est-à-dire qu’il est décisif de saisir le dynamisme qu’il y a – par exemple –
dans l’événement de la naissance d’une université, ou d’un mouvement
artistique, ou d’un hôpital. Il faut comprendre le pourquoi et le comment cela
est arrivé, pour valoriser dans l’aujourd’hui ce dynamisme, qui est une réalité
spirituelle qui devient culturelle et donc sociale. À la base de tout, il y a
des hommes et des femmes, il y a des personnes, des consciences, mues par la
force de la vérité et du bien » [18].
«
L’on ne peut pas penser édifier une authentique "maison
commune" européenne en négligeant l’identité propre des peuples de notre
continent. Il s’agit en effet d’une identité historique, culturelle et morale,
avant même d’être géographique, économique ou politique ; une identité constituée
par un ensemble de valeurs universelles, que le christianisme a contribué à
forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique, mais fondateur à
l’égard de l’Europe. Ces valeurs, qui constituent l’âme du continent, doivent
demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme un "ferment" de
civilisation. Si elles devaient disparaître, comment le "vieux"
continent pourrait-il continuer de jouer le rôle de "levain" pour le
monde entier ? »
«
N’est-il pas surprenant que l’Europe d’aujourd’hui, tandis qu’elle vise
à se présenter comme une communauté de valeurs, semble toujours plus souvent
contester le fait qu’il existe des valeurs universelles et absolues ? Cette
forme singulière d’"apostasie" d’elle-même, avant même que de Dieu,
ne la pousse-t-elle pas à douter de sa propre identité ? De cette façon, on
finit par répandre la conviction selon laquelle la "pondération des
biens" est l’unique voie pour le discernement moral et que le bien commun
est synonyme de compromis. En réalité, si le compromis peut constituer un
équilibre légitime d’intérêts particuliers différents, il se transforme en mal
commun chaque fois qu’il comporte des accords qui nuisent à la nature de
l’homme » [19].
« Même si hélas de nombreux
Européens semblent ignorer les racines chrétiennes de l’Europe, celles-ci sont
vivantes, et devraient tracer le chemin et nourrir l’espérance de millions de
citoyens qui partagent les mêmes valeurs » [20]. L’unité des peuples européens
ne sera solide que si elle est basée sur les racines chrétiennes communes.
Grâce à celles-ci « l’Europe sera capable de donner une orientation sûre au
choix de ses citoyens et de ses peuples, elle renforcera sa conscience
d’appartenir à une civilisation commune et elle consolidera l’engagement de
tous dans le but de faire face aux défis du présent en vue d’un avenir meilleur
» [21].
[1] Benoît
XVI, Rencontre œcuménique, salle du Trône de l’Archevêché de Prague, 27
septembre 2009, Voyage Apostolique, République tchèque, 26-28 septembre 2009
[2] Benoît
XVI, Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix 2011, 1er
janvier 2011
[3] Benoît
XVI, Discours à l’ambassadeur de Croatie, 11/04/2011
[4] Benoît
XVI, Lettre en conclusion de l’Année sainte de Compostelle 2010, 18 décembre
2010
[5] Benoît
XVI, audience générale, 09/04/2008
[6] Benoît
XVI, A la délégation bulgare en la mémoire liturgique des saints Cyrille et
Méthode, 23 mai 2011
[7] Benoît
XVI, Audience Générale, 11 novembre 2009
[8] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[9] Benoît
XVI, Rencontre avec les représentants de la société civile, du monde politique,
académique, culturel et de l’entreprise, avec le corps diplomatique et avec les
chefs religieux, 4 juin 2011
[10] Benoît
XVI, Visite apostolique en Autriche, 07/09/2007
[11] Benoît
XVI, Rencontre œcuménique, salle du Trône de l’Archevêché de Prague, 27
septembre 2009, Voyage Apostolique, République tchèque, 26-28 septembre 2009
[12] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[13] Benoît
XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire
européen, 30 mars 2006
[14] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[15] Zenit,
Les racines chrétiennes de l’Europe sont vivantes, constate Benoît XVI, 9
décembre 2008
[16] Benoît
XVI, Rencontre œcuménique, salle du Trône de l’Archevêché de Prague, 27
septembre 2009, Voyage Apostolique, République tchèque, 26-28 septembre 2009
[17] Benoît
XVI, A la délégation bulgare en la mémoire liturgique des saints Cyrille et
Méthode, 23 mai 2011
[18] Benoît
XVI, Rencontre avec les représentants de la société civile, du monde politique,
académique, culturel et de l’entreprise, avec le corps diplomatique et avec les
chefs religieux, 4 juin 2011
[19] Benoît
XVI, Audience au Congrès promu par la Commission des épiscopats de la
Communauté européenne (COMECE), 24 mars 2007
[20] Benoît
XVI, Message pour la journée d’étude sur le dialogue entre cultures et
religions, 3 décembre 2008
[21] Benoît
XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire
européen, 30 mars 2006
L’identité nationale &
l’immigration
Le respect de l’identité propre
de chaque pays
« La voie de l’intégration
européenne […] repose essentiellement sur la confiance que les citoyens placent
dans un tel projet.[…] En définitive, il s’agit toujours de la question de
l’identité et des bases spirituelles sur lesquelles s’appuie la communauté des
peuples et des Etats européens. Ni une union économique, plus ou moins valable,
ni un règlement bureaucratique réglementant la coexistence ne pourront jamais
satisfaire pleinement les attentes des personnes pour l’Europe. Les racines les
plus profondes d’une "réciprocité" européenne solide et exempte de toute
crise se trouvent plutôt dans les convictions et les valeurs communes de
l’histoire et de la tradition chrétienne et humaniste du continent » [1].
C’est ainsi qu’il avait salué en
2010 le changement de constitution de la Hongrie qui souhaitait faire mention
dans son préambule de ses racines chrétiennes [2].
Mais les identités nationales
propres aux différents pays européens ne sont pas vu par Benoît XVI comme un
obstacle à la construction européenne. Au contraire, ces identités propres sont
une richesse qui se complètent et donnent naissance à une grande symphonie de
cultures [3].
Lors d’un discours prononcé en
2011 devant l’ambassadeur de Croatie, il s’était réjouit de l’intégration de la
Croatie au sein de l’UE, notant que Le Saint-Siège ne peut que se féliciter
lorsque la famille européenne se complète et reçoit des États qui,
historiquement en font partie [4]. Il avait ajouté que « Cette intégration,
devra se faire dans le plein respect des spécificités croates, de sa vie
religieuse et de sa culture. » En effet,
« Il serait illusoire de vouloir renier
sa propre identité pour en rejoindre une autre qui est née dans des
circonstances si différentes de celles qui ont vu naître et se construire celle
de la Croatie. En entrant dans l’Union européenne, [...] il ne faudra pas avoir
peur de revendiquer avec détermination le respect de sa propre histoire et sa
propre identité religieuse et culturelle
».
Les drames de la dénatalité et de
l’immigration
« Au cours des dernières années,
l’on a ressenti toujours plus l’exigence d’établir un équilibre sain entre la
dimension économique et la dimension sociale, à travers des politiques capables
de produire des richesses et d’accroître la compétitivité, sans toutefois
négliger les attentes légitimes des pauvres et des exclus. Sous l’aspect
démographique, on doit malheureusement constater que l’Europe semble avoir
emprunté une voie qui pourrait la conduire à disparaître de l’histoire. Outre
le fait de menacer la croissance économique, cela peut également provoquer
d’immenses difficultés à la cohésion sociale, et surtout, favoriser un
individualisme dangereux, qui n’est pas attentif aux conséquences pour l’avenir
» [5].
S’inquiétant de l’actuelle
dénatalité qui touche l’ensemble des pays européens, Benoît XVI a rappelé la
difficile exigence catholique d’ouverture à l’autre auquel nous appelle à la
charité tout en assurant le maintien de son identité propre.
« Il importe au plus haut point
que la communauté internationale et tout spécialement l’Union européenne se
mobilisent avec détermination en faveur de la paix, du dialogue entre les
nations et du développement ». Seul un authentique développement des pays
d’origines pourra permettre à l’Europe de résoudre le difficile problème de
l’immigration [6]. Afin que puisse être mise en place une véritable politique
d’immigration visant à « concilier les intérêts propres du pays d’accueil et le
nécessaire développement des pays les moins favorisés, politique soutenue aussi
par une volonté d’intégration » [7].
Pour que cette intégration soit
réalisable, il avait insisté sur le fait que « l’accueil d’immigrés de plus en
plus nombreux et la multiplication sur un même sol de communautés différentes
par leur culture d’origine ou leur religion rendent absolument nécessaire, dans
nos sociétés, le dialogue entre les cultures et entre les religions » et qu’«
il convient d’approfondir la connaissance mutuelle, en respectant les
convictions religieuses de chacun et les légitimes exigences de la vie sociale,
conformément aux lois en vigueur, et d’accueillir les immigrés, de sorte qu’on
respecte toujours leur dignité » [8].
« L’on ne peut pas penser édifier
une authentique "maison commune" européenne en négligeant l’identité
propre des peuples de notre continent. Il s’agit en effet d’une identité historique,
culturelle et morale, avant même d’être géographique, économique ou politique ;
une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles, que le
christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement
historique, mais fondateur à l’égard de l’Europe. Ces valeurs, qui constituent
l’âme du continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire
comme un "ferment" de civilisation. Si elles devaient disparaître,
comment le "vieux" continent pourrait-il continuer de jouer le rôle
de "levain" pour le monde entier ? » [9].
« On évitera ainsi les risques du
repli sur soi, du nationalisme exacerbé ou même de la xénophobie, et on pourra
espérer un développement harmonieux de nos sociétés pour le bien de tous les
citoyens » [10].
C’est pourquoi Benoît XVI invite
les croyants à « contribuer non seulement à garder jalousement l’héritage
culturel et spirituel qui les caractérise, et qui fait partie intégrante de
leur histoire », mais aussi à rechercher
des « voies nouvelles pour affronter de façon adéquate les grands défis qui
caractérisent l’époque post-moderne »
[11].
[1] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur d’Autriche, 18 septembre 2006
[2] Benoît XVI, Address to the New
Ambassador of Hungary to the Holy See, 2 décembre 2010
[3] Benoît
XVI, Entretien dans le film Les cloches de l’Europe, 15 octobre 2012
[4] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur de Croatie près le Saint-Siège, 11 avril 2011
[5] Benoît
XVI, Audience au Congrès promu par la Commission des épiscopats de la
Communauté européenne (COMECE), 24 mars 2007
[6] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur du Royaume de Belgique près le Saint-Siège, 26
octobre 2006
[7] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur du Royaume de Belgique près le Saint-Siège, 26
octobre 2006
[8] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur du Royaume de Belgique près le Saint-Siège, 26
octobre 2006
[9] Benoît
XVI, Audience au Congrès promu par la Commission des épiscopats de la Communauté
européenne (COMECE), 24 mars 2007
[10] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur du Royaume de Belgique près le Saint-Siège, 26
octobre 2006
[11] Benoît
XVI, Message pour la journée d’étude sur le dialogue entre cultures et
religions, 3 décembre 2008
Les liens à entretenir entre
Église et État
Une saine laïcité de l’État
« L’État et l’Église sont tous
deux préoccupés, à différents niveaux, par le bien-être des êtres humains. Cela
est au bénéfice des personnes lorsque, dans la politique […] les institutions se
laissent guider par une "vision du monde" dans laquelle les valeurs
transmises par la foi chrétienne sont déterminantes » [1].
Peu de temps après son élection,
Benoît XVI a développé ce thème lors d’une visite officielle au président de la
république italienne. Cet exemple italien, et la description entreprise par
Benoît XVI des relations idéales entre l’Église et l’État peuvent servir de
modèle à la mise en place d’une saine laïcité dans chacun des des gouvernements
européens.
« Les relations entre l’Église et
l’État italien sont fondées sur le principe énoncé par le Concile Vatican II,
selon lequel "la communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une
de l’autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au
service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes" (Gaudium
et spes, n. 76). [...] Une saine laïcité de l’État en vertu de laquelle les
réalités temporelles sont dirigées selon les normes qui leur sont propres est
donc légitime, sans exclure toutefois les références éthiques qui trouvent leur
fondement ultime dans la religion. L’autonomie du domaine temporel n’exclut pas
une harmonie intime avec les exigences supérieures et complexes dérivant d’une
vision intégrale de l’homme et de son destin éternel » [2].
« L’Europe de la science et des
technologies, l’Europe de la civilisation et de la culture, doit être en même
temps l’Europe ouverte à la transcendance et à la fraternité avec les autres
continents, ouverte au Dieu vivant et vrai à partir de l’homme vivant et vrai.
Voilà ce que l’Église désire apporter à l’Europe : avoir soin de Dieu et avoir
soin de l’homme, à partir de la compréhension qui, de l’un et l’autre, nous est
offerte en Jésus Christ » [3].
« Pour cela, il est nécessaire
que Dieu recommence à résonner joyeusement sous le ciel de l’Europe ». [4].
La formation des consciences
« La contribution éthique de la
religion dans le domaine politique ne devrait pas être marginalisée ou
interdite, mais comprise comme un apport valable à la promotion du bien commun.
Dans cette perspective il convient de mentionner la dimension religieuse de la
culture, tissée au long des siècles grâce aux contributions sociales et surtout
éthiques de la religion. Une telle dimension ne constitue en aucune manière une
discrimination vis-à-vis de ceux qui n’en partagent pas la croyance, mais elle
renforce plutôt la cohésion sociale, l’intégration et la solidarité » [5].
« Il ne faut pas oublier que,
lorsque les Églises et les communautés ecclésiales interviennent dans le débat
public, en exprimant des réserves ou en rappelant certains principes, cela ne
constitue pas une forme d’intolérance ou une interférence, car ces
interventions ne visent qu’à éclairer les consciences, en les rendant capables
d’agir de manière libre et responsable, conformément aux exigences véritables
de la justice même si cela peut entrer en conflit avec des situations de
pouvoir et d’intérêt personnel » [6]
« C’est dans la formation des
consciences que l’Église offre à la société sa contribution la plus personnelle
et la plus précieuse. Une contribution qui commence dans la famille et qui
trouve un important renforcement dans la paroisse, où les enfants et les
adolescents, et ensuite les jeunes apprennent à approfondir les Saintes
Écritures, qui sont le « grand code » de la culture européenne ; et en même
temps ils apprennent le sens de la communauté fondée sur le don, non sur
l’intérêt économique ou sur l’idéologie, mais sur l’amour, qui est « la force
dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité
tout entière » (Caritas in veritate, n. 1) » [7].
Les grands défis de l’Europe
S’adressant à une délégations de
parlementaires européens, Benoît XVI avait une nouvelle fois souhaité s’élever
contre cette « culture aujourd’hui très amplement diffusée en Europe qui
relègue dans la sphère privée et subjective la manifestation des convictions
religieuses de chacun. Des politiques élaborées sur ce principe n’ont pas
seulement comme conséquence de dénier un rôle public au christianisme ; de
manière plus générale, elles refusent tout lien avec la tradition religieuse de
l’Europe, qui est pourtant très claire, en dépit de ses diversités
confessionnelles, en menaçant ainsi la démocratie elle-même, dont la force
dépend des valeurs qu’elle défend (cf. Evangelium vitae, n. 70) » [8].
Benoît XVI cite notamment cinq
défis essentiels pour l’Europe auxquels l’Église peut apporter à la fois son
expérience et sa prudence morale : « la défense de la vie de l’homme à chacune
de ses phases », « la protection de tous les droits de la personne et de la
famille », « la construction d’un monde juste et solidaire », le « respect de
la création » et « le dialogue interculturel et inter-religieux » [9], [10].
[1] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur d’Autriche, 18 septembre 2006
[2] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[3] Benoît
XVI, Homélie, Messe à l’occasion de l’Année sainte compostellane, 6 novembre
2010
[4] Benoît
XVI, Homélie, Messe à l’occasion de l’Année sainte compostellane, 6 novembre
2010
[5] Benoît
XVI, Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix 2011, 1er
janvier 2011
[6] Benoît
XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire
européen, 30 mars 2006
[7] Benoît
XVI, Rencontre avec les représentants de la société civile, du monde politique,
académique, culturel et de l’entreprise, avec le corps diplomatique et avec les
chefs religieux, 4 juin 2011
[8] Benoît
XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire
européen, 30 mars 2006
[9] Zenit, Les
racines chrétiennes de l’Europe sont vivantes, constate Benoît XVI, 9 décembre
2008
[10] Benoît
XVI, Message pour la journée d’étude sur le dialogue entre cultures et
religions, 3 décembre 2008
Les points non négociables et le
principe de subsidiarité
Dans un discours prononcé le 30
mars 2006 devant des représentants du PPE [1] Benoît XVI avait indiqué trois
priorités pour l’engagement chrétien en politique et pour le choix politique
des chrétiens en Europe [2]. Ce sont les fameux points non négociables :
la protection de la vie à toutes
ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu’à sa mort naturelle ;
la reconnaissance et la promotion
de la structure naturelle de la famille - comme union entre un homme et une
femme fondée sur le mariage ;
la protection du droit des
parents d’éduquer leurs enfants.
La protection de la vie
« Les immenses progrès de la
technique ont bousculé bien des pratiques dans le domaine des sciences
médicales, tandis que la libéralisation des mœurs a considérablement relativisé
des normes qui paraissaient intangibles
». [...]
« Dans un certain nombre de pays,
on voit en effet apparaître des législations nouvelles qui remettent en cause
le respect de la vie humaine de sa conception jusqu’à sa fin naturelle, au
risque de l’utiliser comme un objet de recherche et d’expérimentation, portant
ainsi gravement atteinte à la dignité fondamentale de l’être humain ». [3].
« L’Église reconnaît dans la vie
humaine un bien primordial, présupposé de tous les autres biens, et elle
demande donc que celle-ci soit respectée, à son début comme à son terme, tout
en soulignant le devoir de soins palliatifs adaptés rendant la mort plus
humaine » [4].
La défense de la famille
« L’Europe ne serait plus
l’Europe sans le mariage entre un homme et une femme », avait fait observer
Benoît XVI en 2010 dans son discours au nouvel ambassadeur de Hongrie près le
Saint-Siège [5].
« Le mariage a donné à l’Europe
son aspect particulier et son humanisme, et c’est aussi justement parce qu’elle
a dû apprendre et réaliser continuellement la caractéristique de fidélité et de
renoncement tracée par lui. L’Europe ne serait plus l’Europe si cette cellule
fondamentale de la construction sociale disparaissait ou venait
substantiellement transformée ».
« L’Église ne peut pas approuver
des initiatives législatives qui impliquent une mise en valeur des modèles
alternatifs de la vie de couple et de la famille. Ils contribuent à
l’affaiblissement des principes du droit naturel et ainsi à la relativisation de
toute la législation, ainsi que de la conscience des valeurs de la société »
[6].
« L’Église, habituée à sonder la
volonté de Dieu inscrite dans la nature même de la créature humaine, voit dans
la famille une valeur très importante qui doit être défendue de toute attaque
visant à en miner la solidité et à remettre en question son existence elle-même
» [7].
La liberté d’enseignement
« La famille fondée sur le
mariage, expression d’une union intime et d’une complémentarité entre un homme
et une femme, s’insère dans ce contexte comme première école de formation et de
croissance sociale, culturelle, morale et spirituelle des enfants, qui
devraient toujours trouver dans leur père et leur mère les premiers témoins
d’une vie orientée vers la recherche de la vérité et de l’amour de Dieu. Les
parents eux-mêmes devraient être toujours libres de transmettre, sans entraves
et de manière responsable, leur patrimoine de foi, de valeurs et de culture à
leurs enfants » [8].
Et c’est là le troisième point
non négociable, qui découle immédiatement de la famille et du rôle que l’Église
lui reconnait. Benoit XVI déclarait ainsi au président italien : « tout en reconnaissant la compétence de l’État
à dicter les normes générales de l’instruction, je ne peux qu’exprimer le vœu
que soit respecté concrètement le droit des parents à un libre choix éducatif,
sans devoir supporter pour cela le poids supplémentaire de nouveaux frais. J’ai
l’assurance que les législateurs italiens, dans leur sagesse, sauront apporter
aux problèmes qui viennent d’être évoqués des solutions "humaines",
c’est-à-dire respectueuses des valeurs inviolables qui sont en jeu » [9].
Le principe de subsidiarité
« La Communauté ecclésiale
perçoit toute l’importance d’un système éducatif qui reconnaisse le primat de
l’homme en tant que personne, ouverte sur la vérité et le bien. Les premiers et
principaux éducateurs sont les parents, aidés, selon le principe de
subsidiarité, par la société civile » [10].
« Le principe de subsidiarité
protège les personnes des abus des instances sociales supérieures et incite ces
dernières à aider les individus et les corps intermédiaires à développer leurs
fonctions. [...] L’expérience atteste que la négation de la subsidiarité ou sa
limitation au nom d’une prétendue démocratisation ou égalité de tous dans la
société, limite et parfois même annule l’esprit de liberté et d’initiative »
[11]
« La subsidiarité est avant tout
une aide à la personne, à travers l’autonomie des corps intermédiaires. Cette
aide est proposée lorsque la personne et les acteurs sociaux ne réussissent pas
à faire par eux-mêmes ce qui leur incombe et elle implique toujours que l’on
ait une visée émancipatrice qui favorise la liberté et la participation en tant
que responsabilisation » [12]
«
Le principe de subsidiarité doit être étroitement relié au principe de
solidarité et vice-versa, car si la subsidiarité sans la solidarité tombe dans
le particularisme, il est également vrai que la solidarité sans la subsidiarité
tombe dans l’assistanat qui humilie celui qui est dans le besoin. Cette règle
de caractère général doit être prise sérieusement en considération notamment
quand il s’agit d’affronter des questions relatives aux aides internationales
pour le développement. Malgré l’intention des donateurs, celles-ci peuvent
parfois maintenir un peuple dans un état de dépendance et même aller jusqu’à
favoriser des situations de domination locale et d’exploitation dans le pays
qui reçoit cette aide » [13]
«
L’État qui veut pourvoir à tout, qui absorbe tout en lui, devient en
définitive une instance bureaucratique qui ne peut assurer l’essentiel dont
l’homme souffrant – tout homme – a besoin : le dévouement personnel plein
d’amour. Nous n’avons pas besoin d’un État qui régente et domine tout, mais au
contraire d’un État qui reconnaisse généreusement et qui soutienne, dans la
ligne du principe de subsidiarité, les initiatives qui naissent des différentes
forces sociales et qui associent spontanéité et proximité avec les hommes ayant
besoin d’aide » [14]
S’adressant a l’ambassadeur de
l’Equateur, le pape avait recommandé la construction d’un Etat qui ne cherche
pas à tout réglementer à et tout dominer. « Ce qu’il faut, disait-il, c’est un
Etat qui reconnaisse généreusement et qui soutienne – en accord avec le
principe de la subsidiarité – les initiatives qui jaillissent des forces
sociales » [15]
« Pour ne pas engendrer un
dangereux pouvoir universel de type monocratique, la « gouvernance » de la
mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux
et sur divers plans qui collaborent entre eux. La mondialisation réclame
certainement une autorité, puisque est en jeu le problème du bien commun qu’il
faut poursuivre ensemble ; cependant cette autorité devra être exercée de
manière subsidiaire et polyarchique pour, d’une part, ne pas porter atteinte à
la liberté et, d’autre part, être concrètement efficace » [16]
Citant la constitution
conciliaire Gaudium et Spes, Benoît XVI avait rappelé que « l’Eglise catholique
n’est liée à aucune forme particulière de culture humaine, de système
politique, économique, ou social » [17]
[1] Benoît
XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire
européen, 30 mars 2006
[2] Zenit, Les
trois priorités de Benoît XVI pour une Europe qui respecte la « personne », 30
mars 2006
[3] Benoît
XVI, Au nouvel ambassadeur du Royaume de Belgique près le Saint-Siège, 26
octobre 2006
[4] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[5] Zenit, «
L’Europe ne serait plus l’Europe sans le mariage », explique Benoît XVI, 2
décembre 2010
[6] Benoît XVI, Address to the New
Ambassador of Hungary to the Holy See, 2 décembre 2010
[7] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[8] Benoît
XVI, Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix 2011, 1er
janvier 2011
[9] Visite
officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005
[10] Benoît
XVI, Angélus, 30 octobre 2005
[11]
Compendium de la doctrine sociale de l’église, doctrine sociale de l’église,
Conseil Pontifical Justice et Paix, Sollicitudo Rei Socialis, Laborem Exercens,
Centesimus Annus
[12] Benoît
XVI, Lettre Encyclique - Caritas in veritate
[13] Benoît
XVI, Lettre Encyclique - Caritas in veritate
[14] Benoît
XVI, Lettre Encyclique - Deus caritas est
[15] Zenit, 29
octobre 2007, Equateur : Pour la mise en œuvre du principe de la subsidiarité
[16] Benoît
XVI, Lettre Encyclique - Caritas in veritate
[17] Zenit, 29
octobre 2007, Equateur : Pour la mise en œuvre du principe de la subsidiarité
Les racines chrétiennes de
l’Europe sont vivantes, constate Benoît XVI
Lettre aux Conseils pontificaux
de la culture et pour le dialogue interreligieux
ROME, Mardi 9 décembre 2008 - Les racines chrétiennes de l'Europe sont vivantes, constate
Benoît XVI dans une lettre aux Conseils pontificaux de la culture et pour le
dialogue interreligieux, en date du 3 décembre et publiée aujourd'hui par le
Saint-Siège.
Benoît XVI a adressé ce message
au président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le cardinal
Jean-Louis Tauran, et au président du Conseil pontifical de la culture, Mgr
Gianfranco Ravasi, à l'occasion de la journée d'études organisée par ces deux
dicastères, jeudi dernier, 4 décembre, sur le thème : « Cultures et Religions
en dialogue », et ceci dans le cadre de l'année du Dialogue interculturel
promue par l'Union européenne.
« C'est justement en cette heure,
parfois dramatique, que, même si hélas de nombreux Européens semblent ignorer
les racines chrétiennes de l'Europe, celles-ci sont vivantes, et devraient
tracer le chemin et nourrir l'espérance de millions de citoyens qui partagent
les mêmes valeurs », affirme Benoît XVI.
L'Europe contemporaine, fait
observer le pape, est « le fruit de deux mille ans de civilisation » et elle
plonge ses racines à la fois dans l'immense patrimoine d'Athènes et de Rome, et
surtout dans le « terrain fécond du christianisme » qui s'est révélé capable de
« créer de nouveaux patrimoines culturels tout en recevant la contribution
originale de chaque civilisation ».
Benoît XVI relève l'un de ces
fruits : la naissance d'un nouvel humanisme. « Le nouvel humanisme, issu de la
diffusion du message évangélique, exalte, affirme le pape, tous les éléments
dignes de la personne humaine et de sa vocation transcendante, en les purifiant
des scories qui obscurcissent le visage de l'homme créé à l'image et à la
ressemblance de Dieu ».
Le pape voit dans ce passé et ce
présent européen une responsabilité particulière de ce continent envers toute
l'humanité. « L'Europe nous apparaît ainsi aujourd'hui comme un précieux tissu,
dont la trame est formée par les principes et les valeurs jaillies de
l'Evangile, a-t-il expliqué, alors que les cultures nationales ont su broder
une immense vérité de perspectives qui manifestent les capacités religieuses,
intellectuelles, techniques, scientifiques et artistiques de l'Homo europeus.
Dans ce sens, nous pouvons affirmer que l'Europe a eu et a encore une influence
culturelle sur l'ensemble du genre humain, et qu'elle ne peut pas manquer de se
sentir particulièrement responsable non seulement de son avenir, mais aussi de
celui de l'humanité tout entière ».
Le dialogue, ajoute le pape, est
une tâche pour l'Eglise aujourd'hui. « L'Eglise, insiste-t-il, doit entrer en
dialogue » avec ce monde « pluraliste » dans lequel elle vit, et les croyants
doivent être « toujours prêts à promouvoir des initiatives de dialogue
interculturel et interreligieux, afin de stimuler la collaboration sur des
thèmes d'intérêt réciproque comme la dignité de la personne humaine, la
recherche du bien commun, la construction de la paix, le développement ».
Or le pape précise les critères
d'un dialogue « authentique » : il doit éviter de « céder au relativisme et au
syncrétisme » et être animé « d'un respect sincère pour les autres et d'un
généreux esprit de réconciliation et de fraternité ».
C'est pourquoi le pape encourage
ceux qui se dédient « à la construction d'une Europe accueillante, solidaire,
et toujours plus fidèle à ses racines ».
Il invite les croyants à «
contribuer non seulement à garder jalousement l'héritage culturel et spirituel
qui les caractérisent, et qui fait partie intégrante de leur histoire », mais
aussi à rechercher des « voies nouvelles pour affronter de façon adéquate les
grands défis qui caractérisent l'époque post-moderne ».
Il cite notamment cinq défis : «
la défense de la vie de l'homme à chacune de ses phases », « la protection de
tous les droits de la personne et de la famille », « la construction d'un monde
juste et solidaire », le « respect de la création », et, justement, « le
dialogue interculturel et interreligieux ».
Benoît XVI souligne que le «
dialogue » est une « priorité » pour l'Europe, et que « la diversité doit être
accueillie comme un fait positif », c'est-à-dire qu'il ne suffit pas de
reconnaître « l'existence de la culture de l'autre », mais il faut aussi «
désirer en recevoir un enrichissement ».
L’Europe a-t-elle perdu son âme ?
Lundi 12 décembre, Lord Jonathan
Henry Sacks, grand-rabbin du Royaume-Uni et du Commonwealth, était invité à la
Grégorienne de Rome pour dresser un sévère constat de la crise spirituelle de
l’Europe, et tacler les bandits de la finance. Morceaux choisis.
Venu à Rome pour y rencontrer le
pape Benoît XVI, Lord Sacks avait été convié par le cardinal Kurt Koch,
président de la Commission pontificale pour les rapports religieux avec le
judaïsme, à s’adresser devant l’Université pontificale grégorienne au cours
d’une conférence [1] , dont le thème était : « l’Europe a-t-elle perdu son âme
? »
Le grand-rabbin des communautés
juives unies du Commonwealth, anobli par la Reine en 2005, est un personnage
connu au Royaume-Uni pour son érudition historique et biblique, et son
engagement en faveur du dialogue interreligieux, ce qui lui a valu d’être
special advisor du Premier ministre Gordon Brown.
L’Europe en danger spirituel
Lord Sacks ne va pas par quatre
chemins pour répondre directement au sujet, et estime nécessaire, face à
l’apostasie européenne, une prompte réaction de la part des juifs et des
chrétiens.
« Les responsables politiques
essayant de sauver ensemble l’Euro, et avec lui, le projet même de l’Union
européenne, je crois qu’il est temps pour les responsables religieux de s’exprimer
sur le sujet, et je veux expliquer pourquoi. »
En effet, le rabbin britannique
estime que l’économie de marché est un héritage judéo-chrétien, mais qui est
devenu fou, et qui menace l’âme de l’Europe. Faisant le bilan élogieux d’un
demi-siècle de contacts entre l’Eglise catholique et le judaïsme, Lord Sacks
appelle de ses vœux une coopération dans les actes : « Le temps est venu pour
passer du dialogue face-à-face au partenariat côte-à-côte. » Pour lui, juifs et
catholiques font face à un ennemi commun, « les forces laïcistes à l’œuvre en
Europe aujourd’hui qui mettent notre foi à l’épreuve et tente de la ridiculiser
», et qui mettent en péril l’héritage spirituel du continent.
« Si l’Europe perd son héritage
judéo-chrétien, qui lui a donné son identité historique et lui a permis
d’accomplir des prouesses dans la littérature, l’art, la musique, l’éducation,
la politique, et comme nous le verrons, l’économie, elle perdra son identité et
à sa grandeur, non pas immédiatement, mais avant que ce siècle ne s’achève. (…)
Quand une civilisation perd sa foi, elle perd son futur. »
Le christianisme, succès de
l’Occident
Lord Sacks cite alors le récent
ouvrage de l’historien britannique Niall Ferguson, Civilisation, qui y raconte
comment l’Académie chinoise des sciences sociales a donné il y a un demi-siècle
pour mission à ses professeurs de découvrir pourquoi l’Occident était-il
parvenu à dominer le monde, aux dépends de la Chine, pourtant dotée d’une
brillante civilisation. Ils formulèrent d’abord l’hypothèse de sa supériorité
en armement, puis évoquèrent son système économique capitaliste, que la
République populaire a fini par adopter.
« Mais ces vingt dernières
années, confie un de ces chercheurs chinois, nous avons réalisé que le cœur de
votre culture est votre religion : le christianisme. Voilà pourquoi l’Occident
a été si puissant. C’est la fondation chrétienne de la vie sociale et
culturelle qui a permis l’émergence de votre système économique et politique.
Nous n’avons aucun doute là-dessus ! »
« Il a raison, commente Lord
Sacks. Ce qui a manqué à la Chine, c’est le christianisme. »
Le rabbin suggère ainsi que la
religion chrétienne, loin d’être un boulet archaïque au progrès, l’a tout
simplement permis et accompagné en Occident, et tout particulièrement en
Europe. La comparaison qu’il évoque avec la Chine est très à propos ; comme
l’ont établi des études récentes de l’OCDE, l’Europe a dépassé la Chine aux
alentours du XIIe siècle, période de l’âge gothique, du renouveau culturel du
Moyen-âge et de la réforme de l’Eglise, et non au XIXe siècle, à la faveur des
guerres perdues par l’Empire du Milieu, comme il est commun d’affirmer.
En démontrant que l’origine de la
prospérité occidentale se trouve dans le capitalisme, né du christianisme, Lord
Sacks précise : du catholicisme. Le rabbin torpille ainsi l’incontesté Max
Weber et sa fameuse « éthique protestante du capitalisme », en soulignant d’une
part, que cette éthique s’applique non au protestantisme dans son ensemble,
mais au calvinisme, plus individualiste que la tradition luthérienne, et
d’autre part, que c’est le catholicisme postérieur à la Réforme qui a jeté les
bases du système économique moderne. Il cite à l’appui les travaux de l’auteur
catholique américain Michael Novak, auteur de L’Ethique catholique et l’esprit
du capitalisme, ainsi que ceux de Rodney Stark.
Ce dernier, sociologue des
religions à l’Université baptiste de Baylor, au Texas, a démontré que les
instruments financiers qui ont permi la naissance du capitalisme furent
développés deux siècles avant la Réforme à Florence, Pise, Gênes et Venise.
Si le judéo-christianisme a donc
permis la naissance du capitalisme, il en a aussi fourni les limites, comme la
juste distribution des biens pour limiter la pauvreté, le refus de toute forme
d’esclavage, et la propriété privée. Or, si ce n’est pas un hasard si des
générations d’économistes juifs et chrétiens ont façonné le capitalisme actuel,
« L’état financier de l’Europe serait meilleur aujourd’hui si ces individus
connaissaient leur Bible », estime Lord
Sacks.
La tyrannie du marché
Selon le rabbin, le marché ne
crée pas lui-même un équilibre stable, mais tend plutôt à générer une «
destruction créative ». En outre, le
capitalisme, dans une contradiction culturelle interne, détruit les fondations
morales qui ont permis son établissement, faisant de l’éthique judéo-chrétienne
et des religions ses premières victimes, pour les remplacer par son propre
principe moral incontestable, sa propre idéologie, ainsi que l’avait imaginé
Adam Smith.
« En effet, affirme Lord Sacks,
le marché de nous laisse pas le choix : la morale elle-même devient juste un
jeu dans lesquels le bien et le mal n’ont aucune signification, au-delà de la
satisfaction ou de la frustration du désir. Ce qui caractérise la personne
humaine, la capacité d’évaluer sans ressentir le désir, mais aussi de se
demander si ce désir devrait être satisfait, devient superflu. Nous avons
beaucoup de mal à comprendre pourquoi il pourrait y avoir des choses nous
voulons faire, et pouvons légalement, mais que nous ne devrions cependant pas
faire, parce qu’ils sont injustes, avilissants ou déloyaux. Le fondamentalisme
du marché, c’est l’Homo economicus qui renverse l’Homo sapiens. »
Se lançant dans un rappel des
origines de la crise économique actuelle, née des prêts à risques à des
destination des foyers modestes, le rabbin tance sévèrement les établissements
financiers responsables de ce gâchis, citant le Lévitique : « Tu ne mettras
rien devant un aveugle qui puisse le faire tomber ».
Alors que le Premier ministre
britannique David Cameron a fait sortir le Royaume-Uni des négociations
européennes, sous la pression de la City, lobby financier globalisé, qui refuse
la moindre velléité de taxe ou de régulation, Lord Sacks demande : « La
question fondamentale est de savoir qui peut contrôler cette corporation
internationale, et qui peut dire ce qui est acceptable ou non ». Tout en ajoutant : « Défendre la
démocratie libérale et l’économie de marché par la seule régulation, sans
songer au devoir de responsabilité et à la morale, est une erreur tragique. »
Un combat à mener
Le rabbin déplore un retour de
l’Europe « aux derniers jours de la Rome non-chrétienne », et dresse la liste
des « coupables », ou des symptômes de cette situation critique :
« l’athéisme agressif sourd à la
musique de la foi ; le matérialisme réducteur aveugle à la puissance de
l’esprit humain ; les entreprises mondiales incontrôlables et parfois plus
puissantes que les gouvernements nationaux ; les formes de financement qui
surpassent les organes chargés de leur régulation ; l’économie axée sur le consommateur
ratatiné, et qui provoque un effilochement des liens sociaux, de la famille à
la communauté, remplacés par les réseaux virtuels et autres smartphone, dont le
résultat est de nous laisser “seuls, tous ensemble”. »
Notons à propos que, dans le
concert de louanges qui avait suivi la disparition du créateur d’Apple Steve
Jobs, la voix de Lord Sacks avait une des seules à s’élever contre la course
supplémentaire au consumérisme narcissique que l’entrepreneur avait ouverte.
Le rabbin conclut son discours
par un avertissement historique :
« Les superpuissances économiques
ont une courte durée de vie : l’Espagne au XVe siècle,
Venise au XVIe, la Hollande au XVIIe, la France, au XVIIIe, la
Grande-Bretagne au XIXe siècle, l’Amérique du XXe siècle. Pendant
ce temps le christianisme a survécu pendant deux mille ans, et le judaïsme deux
fois plus longtemps. L’héritage judéo-chrétien est le seul système capable de
vaincre la loi de l’entropie qui dit que tous les systèmes perdent de l’énergie
au fil du temps. »
Collaborateurs de la Vérité
Ce discours de Lord Jonathan
Sacks est bienvenu dans le contexte de crise globale que le monde traverse.
Plus qu’une étape dans le dialogue interreligieux, et en particulier, dans la
relation entre le judaïsme et l’Eglise catholique, qui tend à s’affermir sous
le pontificat de Benoît XVI, c’est une réponse à l’invitation du pape aux «
hommes de bonne volonté » (préface de
son encyclique Caritas in veritate) pour réfléchir sur le monde de demain.
En s’attaquant au système responsable
de la tempête financière, le grand-rabbin du Commonwealth ravirait le cardinal
Peter Turkson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, et auteur d’un
document remarqué sur la crise économique [2] :
« En matière économique et
financière, les difficultés plus importantes proviennent de l’absence d’un
ensemble efficace de structures capable de garantir, en plus d’un système de
gouvernance, un système de gouvernement de l’économie et de la finance
internationale. »
Reprenant le vœu de Benoît XVI
dans Caritas in veritate, le cardinal s’était prononcé pour la création d’un «
autorité publique universelle », capable
d’encadrer l’économie mondiale. Une idée rejetée avec une rare violence par des
laïcs « libéraux-conservateurs », tant aux Etats-Unis qu’en France.
Outre sa proposition d’une
collaboration approfondie entre juifs et catholiques, la réflexion de l’invité
de la Grégorienne sur le rôle non pas majeur, mais existentiel du christianisme
(et avec lui, de l’apport du judaïsme) dans ce qu’est l’Occident est très
stimulante. Le rabbin est ici sur la même longueur d’onde que Benoît XVI.
Il est intéressant que Lord Sacks
cite Rodney Stark dans son discours, auteur du Triomphe de la raison, qui
explique justement en quoi le judéo-christianisme a façonné l’Occident et la
modernité.
Celui-ci a en effet opéré une
distinction entre judaïsme et christianisme dans l’essor du monde moderne :
pour lui, si l’interprétation de la loi prend une grande place chez les Juifs,
celle-ci, tout comme le rapport des musulmans au Coran, repose sur le
précédent, et s’ancre donc dans le passé. En revanche, le christianisme, par le
développement du dogme, pousse sans cesse à mieux comprendre Dieu, et suppose
donc la possibilité du progrès. Stark ajoute que la théologie, science qui
consiste à raisonner de façon formelle sur Dieu, a insufflé à l’Occident son
caractère hautement rationnel.
L’universitaire américain écrit
notamment : « Pour beaucoup de non-Européens, devenir chrétien revient
intrinsèquement à devenir moderne »… De quoi méditer sur la mission des
catholiques à se réapproprier la modernité.
[1]
http://ukinholysee.fco.gov.uk/en/news/?view=News&id=705409282
[2]
http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Pour-une-reforme-du-systeme-financier-et-monetaire-international-dans-la-perspective-d-une-autorite-publique-a-competence-universelle-_NG_-2011-10-24-726863
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